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Évacuation de camps de Roms : Olivier Legros d’Urba-Rom vous répond

Fin août, un campement illégal de Roms a été démantelé à Evry, en région parisienne. Puis ce fut le tour, au cours de la même semaine, de campements en Seine-Saint-Denis et à Créteil. Ces actions faisaient suite à des opérations similaires à Lille et Lyon. La logique de fermeté du gouvernement vous a inspiré quelques questions. Olivier Legros, maître de conférence en géographie à l’Université de Tours et membre du réseau Urba-Rom, y répond...


Olivier Legros, maître de conférence en géographie à l’Université de Tours et membre du réseau Urba-Rom

Caroline Huguet : Pourquoi parle-t-on toujours de Roms et non de gens du voyage ?
Olivier Legros, maître de conférence en géographie à l’Université de Tours et membre du réseau Urba-Rom (Observatoire européen des politiques publiques en direction des groupes dits Roms/Tsiganes) : Ce n’est pas du tout la même chose. Gens du voyage : c’est une catégorie administrative qui a été initiée par l’administration française dans les années 1970. Elle remplaçait la catégorie des "nomades", jugée discriminante. Mais, bien que citoyens français, les gens du voyage sont obligés d’avoir un livret/carnet de circulation sur eux. Au contraire de "gens du voyage", le terme "Roms" ne correspond à aucune catégorie administrative. C’est un "endonyme", c’est-à-dire un mot utilisé à l’intérieur d’un groupe ou d’une communauté pour se nommer ou se présenter. Mais le sens a beaucoup évolué. Pour les institutions européennes, c’est une catégorie générale pour désigner les "Roms et les gens du voyage". Dans le contexte français actuel, rom est devenu synonyme de Roumain ou de Bulgare en situation précaire ou posant problème. Or, il faut le répéter, tous les Roms ne vivent pas en bidonville, contrairement à ce qu’on pourrait finir par croire en entendant les médias et responsables politiques.

EMPLOI

Hervé du 77 : J’ai lu que le gouvernement allait permettre aux Roms d’exercer plus de métiers. Je ne savais pas qu’ils étaient restreints. Quels sont les emplois pour lesquels ils ont le droit de postuler ?
O. Legros : Les nouveaux Européens que sont les Roumains et Bulgares (donc pas forcément les Roms comme on peut le lire souvent) doivent effectivement posséder un permis de travail délivré par la préfecture. Le gouvernement a décidé de supprimer la taxe que les employeurs devaient verser à l’État quand ils embauchaient un Roumain ou un Bulgare, mais la procédure reste longue, ce qui décourage les employeurs potentiels. Les procédures qui sont, en principe, allégées en ce qui concerne les métiers dits sous tension (où la demande de main d’œuvre est importante, pour dire vite) sont appliquées dans le cadre des mesures transitoires. Prévues dans le traité d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne, ces mesures visent, en principe, à protéger les marchés de l’emploi des anciens pays membres. Elles devront être levées (supprimées) avant la fin 2013.

PROCÉDURE JURIDIQUE

pat’ : Quelles lois sont invoquées pour les évacuations ?
O. Legros : Je ne suis pas juriste. Il me semble cependant qu’il y a plusieurs textes de référence, concernant aussi bien la défense du droit de propriété que la défense de l’ordre public. Les années 2000 ont été marquées par le renforcement des procédures d’évacuation mais, dans la grande majorité des cas, la décision de justice s’impose. Devant le tribunal, les discussions portent moins sur l’illégalité de l’occupation des terrains (le squat) qui est généralement reconnue par les différentes parties que sur la nécessité effective de l’évacuation et sur les délais de l’application de justice. A cette occasion, les avocats de squatteurs peuvent essayer de mettre en balance le droit de propriété et les droits sociaux, comme la poursuite de la scolarisation.

REJET DE LA SOCIÉTÉ ?

pat’ : Pensez-vous que la situation des Roms et leur traitement actuel par le gouvernement reflète la vision de la société française à leur égard ?
O. Legros : Oui et non. Il y a aussi des mouvements de soutien. Il ne faudrait pas l’oublier ! A chaque évacuation, ce que l’on constate en premier lieu, c’est beaucoup d’indifférence. Il y a aussi de la méfiance et de l’hostilité. Mais certaines personnes ont une démarche de compassion voire d’indignation face à la manière dont sont traités les habitants des bidonvilles, que l’on désigne, à tort ou à raison, comme Roms. Cela reflète bien la diversité des comportements au sein de la société. La médiatisation de ces évacuations a cependant tendance à renforcer le sentiment d’hostilité à l’égard des Roms. La remarque vaut aussi bien pour les discours sur la prétendue délinquance des Roms, que pour la banalisation du terme rom pour désigner les Bulgares et les Roumains vivant dans des bidonvilles.

UNE SOLUTION À LONG TERME ?

Evous : Quelle solutions existe-t-il aujourd’hui afin d’éviter les camps illégaux sans pour autant se limiter à déplacer le problème ? En tentant d’intégrer ces populations...
O. Legros : D’abord, il faut rappeler que de nombreux Roms ne vivent pas dans les bidonvilles et sont très bien intégrés ! Vous avez raison de dire que l’évacuation des bidonvilles ne fait que "déplacer le problème". Il l’aggrave même car toutes les initiatives pour amorcer le processus d’intégration (scolarisation, suivi médical, recherche d’emploi via le bouche à oreille, relations amicales...) se trouvent interrompues. Du coup, les évacuations sont un puissant facteur de marginalisation pour les populations qui se trouvent condamnées à l’errance. Les pouvoirs publics bricolent des dispositifs d’hébergement ici et là. Mais c’est une question de bon sens : il faut absolument lever les mesures transitoires qui interdisent l’accès au marché de l’emploi si l’on veut parler d’insertion économique. La levée des mesures transitoires est cependant une condition nécessaire mais pas suffisante car, en définitive, la question c’est bien de savoir comment intégrer des populations en difficulté (qu’elles soient Roms ou non Roms) dans un système qui, lui-même, produit de plus en plus d’inégalités, de précarité et de pauvreté. Bref, plutôt que de se focaliser sur un hypothétique "problème rom", il me semblerait plus logique de chercher à penser et à agir sur le système dans son ensemble. Mais qui est vraiment prêt à le faire ?

Pour aller plus loin : Les migrants roms dans les villes françaises et italiennes : mobilités, régulations et marginalités, par Olivier Legros et Tommaso Vitale (Géocarrefour)
Réunion publique, dans le 2e à Paris, jeudi 27 septembre, sur le thème "Comment intégrer les Roms ?", avec Jacques Boutault, maire du 2e arrondissement.


Vos questions ! (article du 31 août 2012)

Copyright : Préfecture de police

Le questions-réponses. Posez vos questions sur un thème d’actualité, nous cherchons un expert pour y répondre ! Même si nous sommes logiquement contraints à sélectionner les interrogations les plus pertinentes... Pour le démantèlement de campements de Roms, les questions seront transmises à un chercheur, probablement sociologue, spécialiste de la question. Par ailleurs, étant donné la teneur polémique de cet article, quelques précisions s’imposent. Ceci est un appel à questions et non à commentaires. Toute contribution irrespectueuse sera supprimée et ne sera donc pas transmise à notre expert. Pour poser une question, cliquez ici. Rendez-vous la semaine prochaine ou dans une dizaine de jours pour les réponses...

Le contexte. Lundi 27 août au matin, la police a procédé à l’expulsion d’un campement de 72 Roms à Evry, dans l’Essonne. Cette action, réalisée dans l’ancien fief du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, faisait suite à d’autres opérations similaires à Lille et Lyon ces dernières semaines. Le ministre de l’Intérieur a justifié cette mesure par la situation sanitaire "insupportable" du campement. Les 72 Roms délogés occupaient un terrain situé le long des voies ferrées du RER, derrière un hôpital désaffecté. Selon un responsable de l’Association de solidarité de l’Essonne avec les familles roumaines Roms (ASEFRR), dans des propos relayés par l’AFP, aucune solution de relogement ne leur a été proposée mis à part des hôtels d’urgence. "Pour 3 ou 4 jours maximum", a précisé à l’AFP Serge Guichard, de l’ASEFRR. Depuis, 500 Roms ont été évacués à Stains (Seine-Saint-Denis) et une cinquantaine à Créteil (Val-de-Marne).

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

mercredi 19 septembre 2012,    Benoît