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Franck Scurti ramène sa pomme sur la toute nouvelle place Clichy !


Ce socle, classé monument historique (passant, regarde et souviens-toi !) dédié à l’utopiste socialiste Charles Fourier aura décidément connu bien des aventures et des avatars ! Pourra-t-il bientôt enfin couler des jours tranquilles sur le boulevard de Clichy (il est situé face au Castorama, sur le terre-plein central du boulevard) ?

Faut-il alerter les anars ? L’installation de cette sculpture de Franck Scurti ne se ferait-t-elle pas au détriment de la statue en bronze de l’inventeur des phalanstères, que l’on n’a toujours pas voulu reproduire ? Cette glorieuse statue inaugurée en juin 1899 par son disciple Jean-Adolphe Alhaiza, celle de ce grand philosophe qui fonda l’École sociétaire, de celui qui fut considéré par les ZIg et Puce du marxisme comme l’une des principales figures du « socialisme critico-utopique » ? Et bien, oui et non !

Car la pomme de Frank Scurti, qui sera installée ici en novembre 2010, ne viendra pas seulement nous rappeler que cette place symbolisait, pour l’écrivain américain et érotomane Henry Miller, le cœur des tentations d’un Paris fantasmé et libre. Charles Fourier en personne est aussi et surtout convoqué dans cette création. Lui qui fut littéralement foudroyé un soir par la révélation quasi marxiste de la disproportion du prix d’une pomme, dans un grand restaurant parisien où il soupait, - la légende minaude qu’il s’agirait de Brillat-Savarin -, plus de 100 fois supérieur à celui d’une autre pomme croquée par lui le matin même à Rouen, à la fraîche, sur le marché. Pensez donc, 14 sous ! De la folie furieuse !

Et c’est ainsi que Charles Fourier allait ériger sa théorie de la longue marche de l’homme vers le progrès, en la jalonnant des grandes pommes qui firent tout à la fois l’Histoire, les religions, les guerres, les légendes, la Science, l’économie marxiste, et bientôt la bande dessinée. Tout d’abord la pomme dont le trognon valu à Ève et Adam d’être chassés du paradis terrestre. Puis celle qui, bien qu’offerte par Pâris à la déesse de l’Amour Aphrodite, allait mener tant d’hommes à leur perte par la Mère de toutes les guerres, celle de Troie. La 3e des « grandes pommes » fut celle qui, en tombant sur la tête d’un Newton endormi, le rendit si génial qu’il bouleversa l’Humanité par l’importance de ses découvertes scientifiques. Et l’entrée en scène de cette 3e pomme fut si bien illustrée par le couple Goscinny et Gotlib, qu’ils parviennent encore et encore, avec la régularité systémique d’une montre suisse, à me surprendre et à me tirer, en les lisant, des larmes de rire dans les toilettes.

Venons enfin à celle de Charles Fourier, à la 4e pomme, à celle dont le prix paru au philosophe si exagéré, sans que rien au monde ne puisse selon lui le justifier. La révélation de la 4e pomme fut que toutes les sociétés qui tenteraient de prendre pour bases la concurrence et l’échange tarifé seraient inévitablement condamnées aux pires malheurs. Vous avais-je dit qu’il était utopiste ?

En 2007, la Mairie de Paris lance auprès des plasticiens un concours. Il débouchera sur la commande publique par la Ville d’une sculpture à Franck Scurti. Celle-ci rendra donc, comme vous venez de le comprendre, hommage aux idées généreuses de Charles Fourier qui inspirèrent tant de multiples tentatives et dérives de toutes sortes à travers la planète, dont des communautés libertaires et/ou sexuelles autour de 68, ou dans un genre très différent le Familistère de Godin, à Guise en Picardie, patrimoine social et monumental d’exception dont la restauration vient tout juste d’être achevée, et qui peut se visiter.

Cette sculpture de Franck Scurti, qui viendra sur ce socle, sera en forme de pomme, en aluminium brossé, et elle produira un effet réfléchissant. Un planisphère simplifié gravé viendra sur cette surface métallique et remarquable.

Ainsi seront jetées peut-être aux poubelles de l’histoire :
- la statue de Charles Fourier (1772 Besançon – 1837 Paris) dont les Allemands, prévoyants, fondirent le bronze sous l’Occupation pour se faire des munitions,
- l’anecdote des situationnistes qui la remplacèrent d’une dérisoire copie de plâtre que la police enleva, dans la peine et la précipitation, quelques jours plus tard,
- les quelques tentatives de René Schérer et des Amis de Fourier de faire passer un nouveau projet,
- et enfin la cabine de verre, installée en avril 2007 par le collectif Aéroporté, coutumier de l’installation clandestine et illicite d’oeuvres d’art en milieu urbain. Il s’agissait bien sûr ici de souligner l’absence incongrue et prolongée de toute sculpture sur ce socle si glorieux.

Il faut savoir encore que ce socle pourrait être comparé au mont Saint-Michel que se disputent la Bretagne et la Normandie, puisqu’il n’a toujours pas été tranché s’il dépend du IXe ou du XVIIIe arrondissement. Brisons là et accordons cet honneur au XVIIIe, pour sa Butte rouge, pour la vilaine piaule que le philosophe habita près de l’église Saint-Pierre, et pour la pauvre place qui est la sienne au cimetière Montmartre, qu’une petite restauration honorerait…

André Balbo

Sources : Le Parisien, AssoMag.com, Ernard Vassor, Wikipedia

Informations pratiques
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boulevard de clichy

vendredi 20 octobre 2017,    Expositions