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"La Planète des singes, les origines" : ternes primates


Voici donc la septième variation hollywoodienne de l’ouvrage signé Pierre Boulle. Après les cinq long-métrages des années 1970, le remake de Tim Burton plutôt décevant, La Planète des Singes, les origines a fait un joli score au box-office américain, grâce essentiellement à des effets spéciaux de qualité, et à l’estime portée au livre original ainsi qu’au tout premier film avec Charlton Heston, de loin le plus réussi. Proprette et lisible, cette dernière mouture ne provoque ni l’enthousiasme ni le rejet.

L’un des grands défis qui s’imposent à l’auteur d’une œuvre de science-fiction est de parvenir à créer un univers différent dont on ne cherche pas à questionner la cohérence. Cela implique notamment de mettre en place toute une série de présupposés, comme des avancées technologiques antérieures au temps de l’action, à partir desquels le nouvel univers pourra bâtir ses propres lois. C’est ce qu’avait fait Pierre Boulle pour La Planète des Singes, sorti en 1963. A partir de ses présupposés - à un moment M de l’histoire de la Terre, les singes sont redevenus l’espèce dominante au détriment de l’homme - l’auteur avait construit un roman-parabole à portée politique et philosophique.

En revenant aux origines de ce qui est devenu un mythe, les scénaristes du film réalisé par Rupert Wyatt ont mis les pieds dans le plat : l’argument de La Planète des singes, les origines est d’expliquer le mythe, de trouver des causes plausibles aux conséquences, réduisant l’histoire à une série de détails techniques s’enchaînant jusqu’à la colonisation de la planète par les singes. Autrement dit : les auteurs de ce film nous donnent les ingrédients d’une recette savoureuse... et ferment boutique avant de nous la faire goûter.

D’où cette impression de se retrouver face à une œuvre trop sérieuse et scolaire, sans véritable envergure, comme si les auteurs s’étaient rabougris face à ce monument de la science-fiction qu’est l’ouvrage de Pierre Boulle. Will Rodman (James Franco) est un neuro-scientifique travaillant pour une grosse compagnie dirigée par Steve Jacobs (David Oyelowo) sur un sérum permettant de renouveler les cellules du cerveau. Tout en effectuant ses tests sur des singes, il en fait aussi en secret sur son propre père (John Lithgow), atteint de la maladie d’Alzeimer. Bientôt, il se rend compte que son sérum fait plus que renouveler les cellules du cerveau, il en améliore les capacités. Il recueille César (Andy Serkis), un bébé singe qui fera preuve en grandissant de capacités cognitives éblouissantes, jusqu’à pouvoir communiquer par le langage des signes.

Dès lors, l’objet du film sera de montrer la prise de conscience progressive de César vis-à-vis des conditions de vie de ses congénères, sa révolte contre les mauvais traitements et son désir d’émancipation. Tout le talent des scénaristes sera mobilisé pour empêcher le film de basculer dans le ridicule, ce qu’il ne fait jamais, même dans des scènes à risque comme les premiers mots de César, ou quand César ferme les yeux de son ami gorille décédé.

S’ils avaient si peur de sombrer dans le ridicule, c’est qu’ils avaient pris un risque, ce qui est à mettre à leur crédit. En effet, toute l’histoire ou presque est racontée du point de vue de César, dont on suit la maturation physique et mentale. Cela requérait de bons effets spéciaux et un scénario en béton. Pour le premier point, il n’y a rien à redire : les techniciens de chez Weta Digital qui ont travaillé notamment sur Avatar, ont fait du bon travail sur toutes les espèces de singes qui pullulent dans ce film et semblent aussi vrais que nature.

Pour le second point, le scepticisme est de mise. L’enjeu était de rendre un singe charismatique, or César remporte très vite l’adhésion des spectateurs, mais on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est par effet de contraste, tant les autres personnages principaux du film sont ternes. James Franco et Freida Pinto, qui joue sa petite amie, sont tous deux beaux et talentueux, mais n’importe quel apprenti comédien du conservatoire de Vesoul aurait pu faire au moins aussi bien.

A force de se concentrer sur le personnage de César, les humains sont oubliés ou réduis à de vagues esquisses souvent caricaturales, et forment de bien ternes primates. La performance d’Andy Serkis (Gollum dans Le Seigneur des Anneaux, King-Kong dans King-Kong de Peter Jackson) est saluée unanimement. Mais serait-ce trop cynique que de rappeler qu’il interprète ici un singe possédant plus de caractéristiques de l’être humain que la plupart des personnages qui l’entourent ? Autrement dit, il se contente de jouer un homme maquillé en singe : où est la performance ?

Ce malentendu est à l’image du film : vendu comme un film de science-fiction à grand budget, La Planète des singes, les origines est en fait un film animalier façon L’Ours de Jean-Jacques Annaud, génération numérique et Alzeimer et le souffle épique en moins.

La Planète des singes, les origines
- Sortie le 10 août 2011
- Réalisé par Rupert Wyatt
- Scénario de Rick Jaffa et Amanda Silver, d’après Pierre Boulle
- Produit par Peter Chernin, Dylan Clark, Rick Jaffa, Amanda Silver et la 20th Century Fox
- Musique de Patrick Doyle
- Photographie d’Andrew Lesnie
- Montage de Conrad Buff
- Décors de Claude Paré
- Effets spéciaux de Tony Lazarowich
- Avec : James Franco, Freida Pinto, John Lithgow, Brian Cox, Tom Felton, Andy Serkis, David Hewlett, Tyler Labine, Chelah Horsdal, David Oyelowo

Informations pratiques
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vendredi 15 février 2019,    Morgan