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Le Canapé rouge, Michèle Lesbre


Votre dernier roman, Le Canapé rouge, a reçu un accueil très favorable. Vous avez également remporté le prix Pierre-Mac-Orlan. Vous attendiez-vous à un tel succès ?

« Quand un de mes livres sort, c’est un moment très étrange, j’éprouve un sentiment d’abandon et en même temps je suis en proie à une sorte de fébrilité, une attente des retours de lectures. Tout ce qui s’est passé autour de ce livre, je le partage avec mon éditrice, qui était aussi mon éditrice à Actes Sud. C’est pour moi une histoire de fidélité et de complicité très précieuse ».

Une grande partie de votre roman se passe en Russie. Avez-vous déjà embarqué à bord du Transsibérien ?

« J’ai fait ce voyage sans intention d’écriture, j’ai même attendu plusieurs années pour le décider, ensuite j’ai attendu le roman dans lequel il aurait sa place. C’était celui-là ».

Vous évoquez très justement une « Russie meurtrie » par les politiques menées par Lénine et Staline. Que vous inspire la récente réélection de Vladimir Poutine aux législatives ? Quels sentiments éprouvez-vous à l’égard du peuple russe ?
« Le régime de Poutine n’a rien à voir avec une démocratie, je crois que c’est un constat qui s’i mpose. Les dernières élections n’étaient qu’un immense scandale. Je n’ai pas à juger le peuple russe. Et puis de quelle Russie parle-ton ?La Russie de Moscou et celle de la Sibérie sont fort différentes, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est très compliqué, cela mériterait des développements qui n’ont pas leur place ici. Les gens que j’ai rencontrés et chez lesquels j’ai un peu vécu m’ont impressionnée par la force avec laquelle ils savent affronter le quotidien et tout ce qu’il charrie de difficultés ».

Anne, la narratrice, est une jeune femme féministe, éprise d’utopies. N’y a t-il pas un petit quelque chose de vous dans ce roman ?
« Cela se pourrait ! J’ai besoin de la fiction pour être au plus près de moi. « Je ne suis pas mes personnages, mais ils sont un peu moi » disait Carver ».

Gyl, Igor et Cémence sont-ils des personnes que vous avez connues ?
« Tous mes personnages sont fictifs comme je viens de le dire, mais surtout je laisse aux lecteurs le soin de les percevoir, de les appréhender et de saisir quelle place ils ont dans le roman, sans mode d’emploi. Je leur fais confiance. Chacun saura dire qui est Clémence Barrot et peut-être ne sera-t-elle jamais la même ».

Olympe de Gouges, Milena Jesenska, Marion du Faouët sont citées à de multiples reprises. Laquelle de ces femmes suscite en vous le plus d’admiration ?
« Toutes les trois, avec leurs origines, les époques et des contextes différents. Ce qui les réunit, c’est une fidélité à elles-mêmes, jusqu’au bout, une énergie qui donne à leurs vies, pourtant tragiques, quelque chose de lumineux ».

Votre roman se nourrit de nombreuses citations d’auteurs de renom. Votre écriture devient de plus en plus gourmande...
« Des auteurs passent dans ce roman, l’accompagnent comme ils m’accompagnent dans la vie, depuis longtemps. J’ai toujours aimé que des auteurs m’en fassent découvrir d’autres, que des romans m’entraînent vers d’autres lectures. C’est ça aussi la vocation de la littérature, créer des liens, des correspondances ».

Le Canapé Rouge est un récit intimiste, prétexte aux rencontres, aux " petits moments de vie volés". Accordez-vous vous-mêmes de l’importance à ces détails de la vie quotidienne ?
« Oui bien sûr, j’accorde de l’importance à ce que vous nommez les petits moments, ce sont sans doute les petites touches qui permettent d’approcher les personnages sans les décrire, d’évoquer une atmosphère, l’âme d’un paysage, en laissant aussi une place aux lecteurs » .

Vous étiez sur la liste finale pour le prix Goncourt. L’histoire racontée par Gilles Leroy vous touche t-elle ?
« J’aime l’écriture de Gilles Leroy, fragile et tenue, d’une grande élégance. J’avais beaucoup aimé Champsecret. Alabama Song est un beau livre et aussi un exercice périlleux ».

Que vous ont inspiré les polémiques autour de la rentrée littéraire (affaire Darrieussecq/Laurens, l’affaire Renaudot) ?
« Je n’ai pas un grand intérêt pour les tapages récurrents de chaque rentrée littéraire et les petits arrangements entre amis ».

Dans l’émission Le masque et la plume, deux journalistes de Elle et des Inrockuptibles ont taxé votre roman de « féministe » et de « stéréotypé ». Qu’avez-vous envie de leur répondre ?
« Je n’ai pas entendu les mots que vous rapportez, j’ai seulement assisté à un numéro de voltige peu élégant. Je n’ai guère d’estime pour les gens qui, à l’abri de la foudre, jouent au lancer de formules en prétendant faire de la critique littéraire. J’ai écrit à l’une de ces deux dames. Mais heureusement, tout cela n’est qu’anecdote, il y a de nombreux excellents critiques littéraires ».

On connaît votre engagement politique. Sommes nous actuellement dans une impasse ?
« Je ne suis pas politologue, mais je ne céderai jamais au désenchantement cynique qui voudrait balayer mémoire et imaginaire social pour mieux installer la logique économique que l’on sait. Cela dit, l’absence et le mutisme de la gauche m’afflige ».

Quels sont vos projets ? Vous êtes-vous déjà remise à écrire ?
« Je ne dévoile jamais mes projets ! »

Propos recueillis par Valérie Nescop

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dimanche 29 novembre 2009,    Christian Frank