.evous
.evous > Paris > Vivre à Paris > Infos Paris > Blogs sur Paris > Morceaux choisis

Le Musée du Son à Saint-Fargeau


Peut-être parce que je suis à moitié sourd, et que Paris est bruyant, j’ai eu envie de visiter le Musée de l’Aventure du Son à Saint Fargeau, une petite ville située au sud d’Auxerre, en Bourgogne donc. Sans équivalent en Europe, ce musée donne autant à entendre qu’à voir. L’ingéniosité humaine s’y exprime dans toute sa grandeur. Et quand cette merveilleuse inventivité croise la créativité, cela devient aussi génial que jubilatoire.

Notez, avant de franchir les murs du son que le swinguant bas relief sur la façade a été réalisé par un instituteur de Saint Fargeau, avec ses élèves. On peut aussi mentionner que la remarquable bâtisse abritait des visitandines au XVIIème siècle. Nous voici donc dans l’entrée où nous tombons sur de vieux phonographes qui, nostalgie mise à part, ont plus d’allure que tous les ipod. Avant de retrouver ces objets à l’étage, déclinés sous toutes les formes, dans toutes les matières et de toutes les couleurs, on s’arrête, ou plutôt nos deux guides aussi malicieuses que passionnées, nous arrêtent devant une petite vitrine qui réserve une première surprise croquignolette. Il s’agit d’un phono de 1903 sur lequel tournaient des disques en… chocolat. Ces galettes à croquer portent même la marque Félix Potin bien connue il n’y a pas si longtemps à Paris. Vient ensuite la grande salle Edison où sont exposés les innombrables phonos de l’inventeur et manufacturier. Ouvrant le bal, nous découvrons, ému, l’ancêtre absolu de nos platines, le phonographe à feuille d’étain conçu en 1877 par le même Thomas Alva Edisson. Le cornet, puis assez rapidement le pavillon, étaient alors le seul moyen d’amplifier le son. Certains de ces appendices donnent dans la démesure à l’image de ce modèle, Edison toujours, muni d’un cornet de près de deux mètres de long ! Un autre appareil (Duplex, vers 1910) est quant à lui muni de deux pavillons pour augmenter la puissance. Souvent, c’est l’élégance qui dicte sa loi et l’on se croirait au milieu d’un champ de liserons multicolores. La délicatesse n’a pas de limite comme avec ce modèle Pathé « Le Gaulois » confectionné dans un cristal finement gravé. Ou ce superbe phonographe de luxe, orné d’une sirène, fabriqué entièrement en laiton par Carl Schröter à Berlin vers 1913. Bien sûr, il est possible de voir tourner certains appareils et ainsi d’entendre des enregistrements comme sortis du fond des âges.

Les heures de grande écoute

Aux appareils de fabrication Edison, succèdent ceux de la marque Gramophone fondée par l’allemand Emile Berliner, inventeur dudit gramophone et du disque plat en 1887. Il s’agissait alors d’un disque de zinc enduit de cire, lu par une aiguille en acier. L’invention d’E. Berliner, appelée phonogravure, permit une inappréciable avancée : la reproduction en grande série par galvanoplastie, évitant ainsi aux interprètes de l’époque de répéter 80 fois le même morceau ou la même chanson devant six phonographes pour réaliser 480 enregistrements ! Berliner fonda en 1889 à Hanovre la première usine de pressage du monde qui sortait 25 000 disques par jour en 1904, son catalogue contenant alors plus de 5 000 titres. On découvre également le fameux Voix de son maître avec l’histoire du chien le plus célèbre du monde. Résumons : « Un peintre anglais, François Barrault, peint un tableau représentant le petit fox Nipper écoutant un phonographe et intitulé : His master’s voice (la voix de son maître). Il le présente à la firme Edison qui le refuse. Barrault recompose sa peinture en remplaçant le phonographe par un gramophone et il le présente à la Gramophone Compagny de Londres qui acquiert les droits. La Voix de son maître deviendra la devise la plus célèbre de l’histoire des maisons de disques ! ». Un peu plus loin, on tombe sur la première poupée parlante qui date de 1893. Fruit de l’association entre la maison Jumeau et de l’horloger Henri Lioret, elle est équipée d’un phonographe miniature qui assurait sa supériorité sur le modèle américain Edison grâce à son cylindre interchangeable, pour la première fois en celluloïd, plus solide que la cire. L’ingéniosité du système est épatante. La beauté des fabrications stupéfiante. On passe ensuite aux années 1920-30 avec des appareils qui ne sont toujours pas amplifiés. On découvre le phono portable dont le plateau porte disques a été remplacé par un support à trois branches escamotables. On remarque aussi le Terpophon, très petit phonographe présenté dans une boîte à cigares ! Vient ensuite une salle réservé à Edith Piaf (prêt du musée Edith Piaf de Paris). La musique se déclenche automatiquement lorsqu’on y pénètre. L’une des robes noires de la chanteuse est exposée, si petite et tellement immense. Frisson garanti. On débouche alors sur la salle réservée à la radio où là encore toutes ces machines sensées ne servir que le son et les ondes, possèdent un intérêt visuel indéniable. Il faut voir la qualité des matériaux, la finesse des usinages. La science et l’artisanat se mélangent. Nous reviennent à l’esprit ces lampes Fotos (1925) teintées en bleu afin d’éviter à l’opérateur de se ruiner les yeux, ce récepteur radiomodulateur Ducretet à haut-parleur séparé de 1925 ou cet incroyable récepteur Le Lion en forme de prie-Dieu ! La visite se conclut par les instruments de musique les plus fous que l’homme a sans doute imaginé. Témoin cet Orchestron, fabriqué à Mirecourt par Poireau en 1880, ou cet Orchestrion de café à monnayeur (Demariez, 1900), plus connu sous le nom de Bastringue. Nos guides n’hésitent pas à faire fonctionner ces machines qui répandent des mélodies aux sonorités inimaginables. Lorsque l’orchestre Limonaire joue, on s’imagine gosse en 1910 en train de faire des tours sur un manège à chevaux de bois ! Un mot pour finir sur la provenance de toutes ces merveilles. Le fonds du musée est alimenté par l’achat de collections, par des prêts et par des donateurs. Le plus important d’entre eux, sans qui rien n’eut été possible, se nomme Armand Nogues, ancien maire et industriel. C’est lui qui en léguant sa collection à la commune a souhaité voir s’ouvrir ce musée. Un musée dont la visite captivera les grands et les petits.

Horaires d’ouverture :
- Ouv.de mars à oct., t.l.j. sauf mar., 14h-18h,
- Tarifs : 5,5 € (adulte), 3 € (7-16 ans).

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

Pour aller plus loin
jeudi 11 septembre 2008,    Pierre Pinelli