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DERNIERS JOURS de l’exposition Bohèmes, au Grand Palais


Cette exposition est arrivée en tête du classement des expositions 2012 pour les lecteurs de Évous.fr.

Vincent van Gogh, Chaussures (détail), 1886, Amsterdam, van Gogh Museum © van Gogh Museum Amsterdam (van Gogh Foundation)

La « Bohème » est solidement installée dans notre imaginaire. De multiples façons et sous des formes très diversifiées.

Elle fait autant partie de nous que de nos grands mythes modernes. Elle a été chantée, filmée, versifiée, exaltée, cent fois déclarée morte, et cent une fois redressée.

Mythe moderne, dit-on ? Ou déjà très ancien. En tout cas, le sujet est exaltant ! Rien n’avait été fait depuis La Vie de Bohème, en 1986, à Orsay ! Comment parvenir à relier dans ce pluriel toutes les Bohèmes ?

Celle des Bohémiens authentiques (peut-on l’être ?), "aux semelles de vent", venus de Dieu sait où, et allant toujours vers l’ailleurs.

Celle des poètes, peintres, musiciens et autres "pauvres génies", misérables et fiers enfiévrés, sûrs de leurs talents et méprisants toutes conventions.

Et celle enfin, si confortablement désintégrée dans nos mondes moderne ou contemporain, "dégénérée" (1937 à Munich) et donc gazée en masse plus tard, sous les nazis (de 300 000 à 500 000), rejetée d’une frontière à l’autre aujourd’hui avec constance, unanimité et connivence œcuméniques.

Cette exposition du Grand Palais, organisée par la RMN - Grand Palais et la fundación Mapfre de Madrid, était très attendue. Quels allaient être les tableaux présentés ? Si Léonard de Vinci, van Gogh, Modigliani et Picasso devaient bien évidemment être convoqués, quels seraient les autres ? Et la scénographie ?

D’autant que la Bohème évoque pour chacun de nous tant de choses, et parfois si différentes…

Gustave Courbet (1819-1877), L’Homme à la pipe (1846) Montpellier agglomération, musée Fabre © RMN / Agence Bulloz

Artistes, exotismes, musiques (ne pas rater l’exposition Django Reinhardt, Swing de Paris, à la Cité de la Musique ! ), comme des pays où l’homme saurait encore être un loup pour l’homme et se réfugier des jours durant dans ses rêves !

L’exposition est ouverte, et elle est belle. 210 œuvres sur 4 siècles. On peut bien sûr toujours ratiociner un peu, même vitupérer.

Comment ! ? ! Sur un sujet pareil, pas un seul des tableaux du Caravage, restés regroupés pour les formidables expositions de Montpellier et Toulouse !

Et croyez-vous vraiment qu’en fond sonore des airs du Carmen de Bizet soient indispensables ? Ou que tant de chevalets ou de poêles apportent grand chose à la compréhension d’un tel sujet ?

Mais surtout, les Roms d’aujourd’hui ? Où sont-ils ? N’est-ce pas un peu abusif de glorifier le sujet au Grand Palais quand on expulse sans jamais faiblir, sous la gauche comme sous la droite ? Pas simple.

Van Dongen - Le doigt sur la joue - 1910

Pourtant, malgré ces quelques remarques, cette exposition, qui se tient du 26 septembre 2012 au 14 janvier 2013 sera, c’est déjà aujourd’hui une certitude, une réussite.

La scénographie de Robert Carsen ? D’abord un long cheminement rappelant les nomades, la route, dont la terre et la poussière exotiques colorent de leur brun ocre la matière des murs du rez-de-chaussée. Fond sonore : Carmen, mais aussi de mélancoliques litanies psalmodiées en mineur.

Déjà le grand Léonard fit vers 1493 Un Homme trompé par des Tsiganes (ou 5 Têtes grotesques, titre plus vraisemblable).

Ensuite, toute une théorie de peintures caravagesques. Nicolas Régnier (1591-1661), avec La Diseuse de bonne aventure, où un jeune emplumé attrape par le cou le coq de Bohémiennes, qui volent la bourse d’une ingénue... et Joueurs de cartes, aux tromperies emmêlées.

Exceptionnelle, La Diseuse de bonne aventure (1630), de Georges de la Tour, où le jeune blanc-bec se fait soutirer la bourse et couper les médailles, et où l’on ne voit que 8 mains sur 10. Où sont les manquantes ?

Jacques Callot, né à Nancy en 1592, enfui de chez lui à 11 ans, fut recueilli par une famille bohémienne avec laquelle il fit la route. Dans ses gravures, une chaleureuse compréhension des nomades transparaît, dont Ne voilà pas de braves gens ? ou Ces pauvres gueux pleins de bonadventures (vers 1621).

Frans Hals (1581 ou 5-1666), La Bohémienne, peinte vers 1630.

Une très étonnante statuette, Bohémienne à cheval (vers 1621), de Johann Christoph Nessler, en ivoire, argent doré, agate, diamants, émeraude et rubis, venue de Dresde.

Et au passage, soudain un doute. Pourquoi Bohémien, nom propre, n’est-il pas écrit dans les légendes et textes de cette exposition avec une majuscule ? Comme Français ou Andalouse.

Une anecdote édifiante. Thomas Gainsborough (1727-1788), 1er peintre anglais de cette importance à traiter ce motif, se verra refuser son tableau Paysage avec Bohémiens par son commanditaire. De rage, il le jeta à terre et le lacéra. Regardez bien la toile.

Et puis la rêverie érotico-exotico-romantique se fraya un chemin avec Narcisse Virgile Diaz de la Pena (1807-1876), qui dans son tableau Tsiganes à l’écoute des prédictions d’une jeune diseuse de bonne aventure (1848), montre forcément des poitrines dénudées de-ci de-là, et des jeunes filles portant des habits d’un autre âge.

Et soudain, Gustave Courbet vint. Deuxième, après Jacques Callot, à franchir le pas. Il va à la rencontre volontaire du peuple, des petits, des mendiants et des Bohémiens sur la route qu’il prend lui-même pour aller peindre dehors. Splendide Bohémienne et ses enfants (1853-1854), découverte récemment.

Le basculement se fait alors en France, sous la monarchie de Juillet. On sort du pittoresque, ballet, musique, littérature.

Charles Amable Lenoir. Rêverie (1893) collection particulière © Mille / Realis

Alors que le Bohémien divertissait Henri IV à Fontainebleau en 1607, que Louis XIV en personne se déguisait ainsi dans le Ballet royal, avec Mérimée et Bizet, on change de registre.

Nature, pureté, personnage binaire de désir et d’inaccessibilité, la Bohémienne ou le Bohémien devient alors l’incarnation d’un figure de liberté. Les artistes sont à la recherche d’un nouvel itinéraire. Ils cherchent enfin l’audace dans le chemin.

Courbet, Baudelaire, Liszt. On ne tentera plus de rejoindre les académismes et les conventions, mais au contraire à s’en démarquer, à inventer, et à transgresser les tabous.

La Bohème a marqué la transformation du statut de l’artiste, qui quittait la protection du prince pour devenir « ce génie solitaire, misérable et incompris qui anticipe les convulsions de la société ».

Le descriptif de Balzac est chirurgical : "La Bohème n’a rien et vit de ce qu’elle a. L’espérance est sa religion, la foi en soi-même est son code, la charité passe pour être son budget. Tous ces jeunes gens sont plus grands que leur malheur, au-dessous de la fortune, mais au-dessus du destin". 1845, Un Prince de Bohème.

Mais à l’étage de l’exposition, le propos s’essouffle un peu, sous les soupentes de la misère artistique et bohème. Poêles, chevalets, la grande légende des ateliers quand le suicide rode autour des génies faméliques.

Le dandysme deviendrait presque un traité de la désillusion. Delacroix, Géricault, Courbet, Cézanne, Jules Blin...

Van Gogh fera plus tard les Roulottes, campement de Bohémiens aux environs d’Arles (1888), près des Saintes-Maries, lieu du fascinant pèlerinage, des Chaussures poignantes, tordues mais qui ne lâchent pas, 3 Romans, (1887) qui ont dû peuplé sa solitude ; Atget, quelques clichés de ces roulottes de ceux qu’il appelle alors des zoniers, aux portes de Paris.

Le cabaret du Chat noir, mis en valeur au musée de Montmartre, est évoqué. Avant Montmartre, capitale de la Bohème artistique, celle-ci était au Quartier latin. Elle rejoindra plus tard Montparnasse. Car elle va, "semelles de vent" toujours fascinée par son modèle...

Poètes (Nerval, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine...), peintres ou musiciens (Courbet, Van Gogh, Satie, Modigliani, Picasso...), nombreux furent les grands hérauts de la modernité qui ont donné un visage à l’une des facettes de ce tumultueux concept.

Rebelles à toutes les conventions, batteurs de pavé, mangeurs de vache enragée, amateurs de femmes et de boissons, ils ont, pour des générations d’apprentis artistes, allumé le rêve d’une gloire rédemptrice, qui ne se gagne qu’au risque de l’oubli et de la mort.

Et l’incroyable Pauvres Génies que peignit Picasso (1899-1900) quand il traînait à Barcelone dans ce clone du Chat noir qu’était le "Els Quatre Gats", et que le prit une furieuse envie de monter à Paris.

Finissons sur une note cinématographique. Leni Riefenstahl utilisa, pour son film à gros budget Tiefland, 150 figurants roms et sintis, tirés pour le tournage des camps nazis, et très honnêtement rendus. Ils y moururent.

Découvertes inédites et prêts exceptionnels (La Diseuse de bonne aventure, Georges de la Tour, Metropolitan Museum New York, L’Absinthe, Edgar Degas, Musée d’Orsay, Paris, Coin à Montmartre, Vincent van Gogh, van Gogh Museum, Amsterdam, La Gitane, Van Dongen, MNAM, Paris), cette exposition ambitionne d’apporter un jour nouveau sur cette histoire commune.

Bohèmes, au Grand Palais, du 26 septembre 2012 au 14 janvier 2013.

Vous retrouverez dans les articles « 2012 à Paris : les grandes expositions de A à Z » et 2013 à Paris : les grandes expositions de A à Z » les différentes expositions 2012 et celles de 2013 déjà annoncées par leurs établissements et musées.

Frederic Leighton (1830–1896) Crenaia, the nymph of the dargle, ca. 1880 Huile sur toile 76.2x26.7 cm Colección Pérez Simón, Mexico © Arturo Piera, Musée Jacquemart-André 09/13-01/14

Dans les articles « Calendrier 2012 des grandes expositions à Paris », et « Calendrier 2013 des grandes expositions à Paris », ces mêmes expositions sont classées par dates.

Nous nous efforçons de tenir ces articles à jour, et nous vous remercions des suggestions, précisions, ajouts et corrections que vous pourriez apporter à ces programmes.

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Nous tenterons aussi de vous les présenter chaque mois , à partir de Février 2013.

Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous avons établi notre sélection, pour Paris, des MEILLEURS CATALOGUES des expositions 2012, celui de cette exposition en fait partie, en vous indiquant en plus les nominés, et les primés au Prix CatalPa 2012 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Nous procéderons de la même manière en 2013, avec PARIS 2013 : les meilleurs catalogues d’expositions de Paris.

André Balbo

source : visite, RMN Grand Palais

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

3 Avenue du général Eisenhower 75008 Paris

- Du 26 septembre 2012 au 14 janvier 2013

- Tous les jours sauf le mardi, de 10H à 20H, mercredi jusqu’à 22H

01.44.13.17.17
lundi 6 mai 2019,    Expositions