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DERNIERS JOURS des Belles Heures du duc de Berry, au musée du Louvre


Manuscrit des plus remarquables de Jean de France, frère du roi Charles V et duc de Berry, les Belles Heures, connues sous l’appellation les Belles Heures du duc de Berry sont au cœur d’une exposition qui en présentera 47 feuillets, ou plutôt bi-folios.

Frères de Limbourg. Saint Louis devant Damiette, Belles Heures du duc de Berry. © New York, The Metropolitan museum of Art, The Cloisters Collection, 1954 (54.1.1), fol. 173.

L’événement est d’autant plus empreint de solennité, de respect, voire de recueillement, que, d’une part le livre appartient aux Cloisters, qui est le département médiéval du Metropolitan Museum of Art de New York, et que d’autre part ce sera l’occasion ultime de les admirer avant que les feuillets ne soient remontés dans leur reliure, échappant pour la plupart aux regards des simples mortels dont nous sommes. Monter cette exposition a pris 5 belles années.

On peut aussi considérer, sans exagérer le moins du monde, que ce livre fait partie du patrimoine de la France. À l’heure où nous rendons les têtes maories et quand les patrimoines retournent à leur terre natale, est-ce trop demander pour un livre de cette importance ? Nous reviendra-t-il un jour en toute propriété ? Après avoir été pendant plus de 4 siècles protégé par l’oubli, il avait été acquis, quelques péripéties plus tard, par le baron de Rothschild. Volé par les nazis durant la dernière guerre, il lui fut justement restitué par la suite. Il ne fit pas partie, pour des raisons que j’ignore, de la grande donation Rothschild consentie au musée du Louvre, et au contraire fut vendu en 1954 au Metropolitan Museum of Art de New York, échappant à la tutelle de nos musées.

Annonce aux bergers (Tierce), Belles Heures du duc de Berry (détail) © New York, The Metropolitan museum of Art, The Cloisters Collection, 1954 (54.1.1), fol. 52v.

Mais qu’est-ce qu’un livre d’heures ? C’est un recueil de textes de dévotion et d’offices à l’usage des laïcs, et l’ouvrage de piété le plus répandu et prisé de la fin du Moyen-âge. Leurs fonctions étaient susceptibles de devenir multiples : élever les âmes, soutenir les esprits faibles, éduquer le peuple dans la crainte de dieu, permettre même l’apprentissage à la lecture aux femmes et aux enfants. Ils étaient souvent enrichis d’illustrations en rapport avec les différentes parties du texte, et la qualité de ce décor illustratif variait passablement puisqu’elle était fonction du rang social et des ressources de celui qui en avait passé commande.

Le livre des Belles Heures du duc de Berry dont des feuillets sont exposés jusqu’au 25 juin au Louvre est un livre d’heures clé et exceptionnel. Il fut enluminé, au tout début du XVe siècle, par les frères de Limbourg qui allièrent beauté des cycles peints, inventions dans les compositions et innovation dans la conception de l’espace comme dans la narration.

Comme les plus grands bibliophiles de son temps, Jean de Berry faisait preuve de goût pour ce type de manuscrits, et l’on nous dit aujourd’hui qu’il laissa à ces artistes pour lesquels il avait respect et amitié une liberté, inédite pour l’époque. Son nom est donc tout naturellement associé à une prestigieuse série de livres d’heures qu’il fit exécuter pour son usage entre le dernier quart du XIVe siècle, et sa mort, en 1416. Ceux qui sont parvenus jusqu’à nous comptent parmi les chefs-d’œuvre de l’enluminure française, voire européenne, du Moyen-âge finissant, mais plus que cela encore, ils peuvent être, à juste titre, considérés comme un des principaux creusets de l’art figuratif occidental, et un monument de la peinture française.

Il y a encore une chose que j’ignore. Je crois que deux des frères de Limbourg et Jean de Berry moururent la même année. Hasard ? Affliction ? Une raison particulière ?

Réalisé entre 1405 et 1408-1409, le livre des Belles Heures est la seule commande du duc qui fut entièrement exécutée par les frères de Limbourg, contrairement aux fameuses Très Riches Heures. Selon les très rares spécialistes qui ont eu la chance de contempler et de consulter ces feuillets dans leur ensemble et continuité, ce qui n’est pas notre cas à nous, simples visiteurs, la marque du talent des frères de Limbourg est que ces feuillets se singularisent, disent-ils, et nous voulons bien les croire, par la cohérence de leurs enluminures, qui formeraient de vrais cycles narratifs.

Ces cycles peuvent être dédiés à des moments forts des Écritures, comme la Passion par exemple, mais ils illustrent également des textes qui ne se trouvent pas habituellement dans les livres d’heures à l’usage de Paris : vies de saints (embarras du choix, leur nombre était alors bien supérieur au nombre de jours dans l’année), Catherine, Paul (illustration), Bruno, Jérôme, comme même cycle dédié à la Grande Litanie.

Frères de Limbourg. La conversion à Rome de saint Paul, Belles Heures du duc de Berry (détail - Enluminure, 1410-16) Détrempe et feuille d’or sur parchemin - 239 x 168 mm © New York, The Metropolitan museum of Art, The Cloisters Collection, 1954. La conversion de Paul se passe ici à Rome, quand il assiste à cette scène atroce : un homme voulant résister aux propositions de luxure d’une femme légère, préfère se trancher la langue et la jeter au loin...

Peut-être encore plus personnelles, ces Prières aux voyageurs, rappelant la pérégrination du duc quand il devait aller quérir sa seconde femme, négociant son accueil en chemin, château après château.

Le visiteur ne pourra qu’être émerveillé devant le soin et l’incroyable sens du détail de ces enluminures. Sur les toits, quelle que soit leur taille, pas une tuile ne manquera, pas plus qu’une seule vaguelette sur une pièce d’eau représentée. La partie purement graphique de ces feuillets, celle qui enveloppe et englobe texte et illustrations au-delà du cadre, est d’une minutie époustouflante. Bien que chaque élément de décor, chaque détail vestimentaire, chaque partie des corps soient miniaturisés, les visages comme les postures des personnages exprimeront sentiments, émotions, vie et mouvements.

Pour mieux comprendre le contexte de la création de ces enluminures et leur influence, un petit nombre d’œuvres provenant des collections du musée du Louvre, de la BnF, de bibliothèques municipales et de collections publiques françaises sont exposées dans la même salle, dont notamment :
le Parement de Narbonne (Louvre), de Jean d’Orléans, dont les dessins sont faits à l’encre noire sur soie blanche ;

la médaille d’Héraclius (BnF), réalisée en 1402 par un orfèvre parisien, et qui représente Manuel II venu à Paris chercher les fonds nécessaires pour « mener croisade » ;
- 4 délicates pièces d’ivoire, sculptées en miniatures, certaines révélant des traces de dorures et de polychromies.

Il est utile également, pour mieux observer la proximité de ces œuvres avec les feuillets montrés, de considérer qu’à cette époque 3 métiers s’inspiraient étroitement et réciproquement, employant des schémas comparables de composition : les enlumineurs, les orfèvres (ce qu’avaient été initialement les frères de Limbourg) et les artistes ou artisans de l’ivoirerie.

Les commissaires de cette exposition sont Hélène Grollemund, chargée d’exposition et Pascal Torres, conservateur de la collection Edmond de Rothschild, au département des Arts graphiques, musée du Louvre.

Amateurs d’enluminures, nous ne pouvons que vous encourager vivement à visiter également l’âge d’or des Miniatures flamandes (1404-1482), à la BnF, jusqu’au 10 juin 2012.

Les Belles Heures du duc de Berry, jusqu’au 25 juin 2012. Aile Sully, 1er étage, salle de la Chapelle. Tous les jours de 9 à 18h, sauf le mardi. Nocturnes, mercredi et vendredi jusqu’à 21h45. Accès avec le billet d’entrée au musée 10€. Renseignements au 01 40 20 53 17.

Vous retrouverez dans l’article « 2012 à Paris : les grandes expositions de A à Z » les différentes expositions 2012 déjà annoncées par leurs établissements et musées, et dans l’article « Calendrier 2012 des grandes expositions à Paris », ces mêmes expositions classées par dates.

David méditant devant la tête de Goliath, d’Orazio Gentileschi, huile sur lapis-lazuli, exposition Artemisia

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André Balbo

sources : musée du Louvre, visite

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lundi 6 mai 2019,    Expositions