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Archives. Découvrir au Centre Pompidou Eileen Gray la discrète, femme, architecte, et designer


Première et importante rétrospective de l’œuvre multiple, originale et singulière de la créatrice irlandaise Eileen Gray (1878-1976) au Centre Pompidou du 20 février au 20 mai 2013.

Curieusement encore assez méconnue du public français, Eileen Gray a pourtant déjà eu le temps d’être célèbre, oubliée durant des années, puis redécouverte. Ce sera en 1968 par un article dans la revue Domus de Joseph Rykwert, mais plus encore en 1972 lors de la dispersion aux enchères du mobilier du collectionneur et couturier Jacques Doucet.

Eileen Gray meurt à 98 ans, redevenue célèbre depuis peu ! Plus tard, en février 2009, à l’occasion de la vente de la collection Pierre Bergé et Yves Saint Laurent, son "fauteuil aux dragons", réalisé vers 1917-1919, est vendu 21,9M€, ce qui en fait le fauteuil le plus cher du monde et, après le "Badmington cabinet" (27,46M€), le 2e meuble le plus cher du monde...

Femme discrète et volontaire, considérant que seuls devaient rester ses travaux, elle qui aimait tant le secret, les caches, l’invisible et l’irrégulier, avait pris soin avant sa mort de faire place nette en brûlant les traces de sa propre vie.

Eileen Gray. Meuble d’architecte, 1924.

Ainsi les photos d’elle sont-elles aujourd’hui extrêmement rares.

Initialement formée à la peinture, mais autodidacte sa vie durant à de nombreuses autres techniques, Eileen Gray s’attachait avec rigueur et systématisme à la nouveauté et à la pureté de la création, apparemment en détestation du principe même de la série. Elle disait : « Le futur projette la lumière, le passé seulement des nuages ».

Elle découvre Paris à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900. Elle s’y installe en 1907 pour se perfectionner au laque, découvert au Victoria and Albert Museum et chez un artisan restaurateur du quartier de Soho, auprès de qui elle s’initie. Elle raconte, devenue âgée, l’amusante anecdote de son engagement dans un petit film montré dans l’exposition.

Eileen Gray s’associe dès 1910 avec l’artisan japonais Seizo Sugawara avec qui elle s’est perfectionnée, et ils fondent ensemble un atelier de laquage, au 11 rue Guénégaud. La même année, elle ouvre avec Evelyn Wyld un atelier de tapis, s’étant formées toutes deux aux pratiques de la laine et du tissage dans les contreforts de l’Atlas.

Le couturier Jacques Doucet, amateur d’art et important collectionneur, remarque une version bleue de son panneau de laque de Chine Le Magicien de la nuit. Il vient à son domicile, au 21 rue Bonaparte (qu’elle habitera toute sa vie), et lui passe commande progressivement d’œuvres et de pièces de mobilier, dont le paravent à 4 feuilles "le Destin" et la table "Lotus", seules de ses créations datées et signées de sa main. Doucet lui confie par la suite la décoration de certaines de ses pièces (ici le salon) avenue du Bois d’abord, puis dans son studio, rue Saint-James, à Neuilly.

Le soin du détail est pour Eileen Gray essentiel, que celui-ci se voit ou pas. Ainsi la poignée d’ivoire du tiroir de la fameuse table aux chariots exposée est retenue à l’intérieur par un boulon en ivoire qu’elle aurait sculpté elle-même.

Elle aime aussi utiliser dans ses créations l’aléatoire, faisant par exemple goutter de l’eau, "par gestes spontanés", sur les laques afin d’en obtenir un aspect plus irrégulier.

Table aux chars, circa 1915 Bois laqué, ébène, ivoire Conçue pour le couturier Jacques Doucet Collection particulière, courtesy Galerie Vallois, Paris © photo : Vallois-Paris-Arnaud Carpentier

Prenez le temps de contempler le fauteuil Sirène et hippocampe en bois laqué (entre 30 et 40 couches de laque !), acheté par la chanteuse Damia, et les paravents en briques (1919-1922) qui offrent l’intérêt d’ouvrir à sa guise un mur visuel et d’en gérer aisément les transparences.

Les pièces en laque ne supportent pas bien les éclairages de plus de 50 lux. Elles virent alors au marron. Ne vous étonnez donc pas de l’obscurité relative de certains lieux de l’exposition.

Fauteuil Sirène, circa 1919 Bois laqué, velours Acheté par la chanteuse Damia à la galerie Jean Désert en 1923 Anthony DeLorenzo © photo : Anthony DeLorenzo

Toujours par discrétion, Eileen Gray pense qu’il serait mal vu d’ouvrir une galerie à son propre nom. Pensez ! Un nom de femme ! Au 217 du Faubourg-Saint-Honoré, elle inaugure donc la galerie Jean Désert. D’où vient ce nom ? Du roman de Jean de la Ville de Mirmont publié en 1914, Les Dimanches de Jean Dézert, dans lequel un fonctionnaire, qui s’ennuie à mourir dans son emploi, attend impatiemment les dimanches et les promenades qu’il peut enfin faire, seul, dans Paris. Peut-être est-ce aussi un rappel de l’Atlas…

Cette galerie, qui propose des projets d’aménagement et de décoration, des tapis et du mobilier, souvent laqué, reçoit la clientèle parisienne et internationale la plus prestigieuse : les Noailles, la chanteuse Damia, Philippe de Rothschild, la danseuse Loïe Fuller, et Eileen Gray sait s’entourer des artisans les plus talentueux comme par exemple l’ébéniste socleur de Rodin, Kichizo Inagaki.... Jean Désert est ouverte de 1922 à 1930, période la plus prolifique de la créatrice. Le mobilier évoluera progressivement vers du tubulaire chromé et l’usage du verre. Marcel Breuer et le Bauhaus ne sont pas très loin.

Un nouveau projet naissait à partir de 1926 : la villa méditerranéenne E 1027 (E pour Eileen, 10 pour le J de Jean, 2 pour le B de Badovici, 7 pour le G de Gray), cette fois en association avec un architecte et critique roumain, Jean Badovici, et pour objectifs quelques douces utopies : orienter le bâtiment pour suivre la course du soleil, programme minimum en termes de fonctionnalités (pouvoir bosser, recevoir, et faire du sport). La construction se fait en 1929 à Roquebrune – Cap-Martin en 1929. Elle sera classée aux Monuments historiques en 2000.

Les maquettes des autres projets architecturaux menés par Eileen Gray sont également présentées : Tempe a Pailla, plus personnel, qui signifie en dialecte de Menton « le temps de bailler », cachée, parmi les citronniers, dans les vignes.

Architecte totale, Eileen Gray embrasse dans la conception de Tempe a Pailla des meubles prototypes. Comme le sera plus tardivement la villa E 1027, Tempe a Pailla est classée aux Monuments historiques en 1990.

À 76 ans, ce sera l’étape ultime, architecturale encore : Lou Pérou, une restauration de bastide dont elle était propriétaire depuis bien longtemps, proche de Saint-Tropez : sobriété, rusticité des matériaux, rigueur et simplicité spartiate.

Une exposition bienvenue qui livre les grands moments de la carrière d’une créatrice touche-à-tout "au talent poétique" douée de surcroît d’une incroyable exigence et d’une virtuosité technique, qu’il s’agisse de laque, de textile, de rénover les usages que l’on confère à l’espace, comme de son rapport au meuble et à l’objet.

Eileen Gray figure, avec Le Corbusier et Mies Van Der Rohe, parmi les principaux architectes et designers du XXe siècle, ceux qui ont participé à la définition de la modernité et, avec Marcel Breuer, Gerrit Rietveld et Charlotte Perriand, l’un des premiers inventeurs du mobilier à structure acier tubulaire.

Ne pourrait-on pas également la faire siéger au panthéon des femmes qui surent, même dans la discrétion, être des incarnations d’une féminité d’avant-garde en marche ?

Eileen Gray, du 20 février au 20 mai 2013, au Centre Pompidou, Galerie 2, niveau 6. Tous les jours sauf le mardi de 11 à 21h, nocturne le jeudi jusqu’à 23h. 13€ ou 10€, gratuit avec le laissez-passer annuel et au moins de 18 ans.

Vous retrouverez dans les articles 2012 à Paris : les grandes expositions de A à Z et 2013 à Paris : LES GRANDES EXPOSITIONS de A à Z les différentes expositions 2012 et celles de 2013 déjà annoncées par leurs établissements et musées.

Frederic Leighton (1830–1896) Crenaia, the nymph of the dargle, ca. 1880 Huile sur toile 76.2x26.7 cm Colección Pérez Simón, Mexico © Arturo Piera, Musée Jacquemart-André 09/13-01/14

Dans les articles Calendrier 2012 des grandes expositions à Paris, et CALENDRIER 2013 des grandes expositions à Paris, ces mêmes expositions sont classées par dates.

Nous nous efforçons de tenir ces articles à jour, et nous vous remercions des suggestions, précisions, ajouts et corrections que vous pourriez apporter à ces programmes.

Nous vous indiquons chaque semaine les nouveautés, les expositions qui fermeront bientôt leurs portes, et... nos préférences, car on ne se refait pas : LA SEMAINE des expositions, musées, et galeries : que faire à Paris du....

Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous avions établi notre sélection, pour Paris, des meilleurs catalogues des expositions 2012, en vous indiquant en plus les nominés, et les primés au Prix CatalPa 2012 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Nous procédons de la même manière en 2013, avec Paris 2013 : LES MEILLEURS CATALOGUES d’expositions de Paris.

Celui de cette exposition en fait partie.

André Balbo

sources : visite, Centre Pompidou, Wikipédia

Informations pratiques
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mardi 16 janvier 2018,    Expositions