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Les mosaïques de Mathilde


Mathilde Jonquière. Un nom qui sonne comme celui d’une héroïne de roman. Mathilde et sa petite entreprise ancrée dans le Paris exotique et populaire, celui du quartier de La Goutte d’Or, formidable mosaïque humaine avec ses carreaux d’Afrique noire, ses fragments du Maghreb, ses escarbilles de Chine, d’Inde et d’ailleurs, le tout coulé dans un ciment de France. Un cosmopolitisme de bon aloi lorsque l’on consacre son temps comme Mathilde à marier les tons et à recoller les morceaux. C’est dans le 18ème arrondissement - le même qui abrite la plus grande mosaïque au monde, ornant sur 475 m² le plafond de l’abside du Sacré-Cœur de Montmartre, œuvre de Luc-Olivier Merson exécutée de 1900 à 1922 par les ateliers Guilbert-Martin -, dans ce 18ème patchwork donc, que nous avons découvert Mathilde, un jour de mai lumineux à l’atmosphère épicée, dans l’atelier situé à l’angle des rues Léon et Marcadet, à la croisée des mondes, où s’exerce son artisanat surmonté d’un fringant tréma.

Mosaïque. Un art décoratif vieux comme Hérode, consistant à utiliser la matière, galets, carreaux de grès, tesselles de marbre, de pâte de verre ou de céramique émaillée, assemblés à l’aide de plâtre, d’enduit voire de béton, pour former des motifs ou des figures. Une trace ornementale qui défie le temps. L’étymologie nous enseigne quant à elle : « Appareillage de pierres polies qui appartient aux Muses ». Mais pourquoi, avant même d’honorer les déesses antiques, ce collage en dur ne serait-il pas d’abord un mouvement d’instinct ? Le premier des mosaïstes de l’histoire passant le temps à assembler des cailloux, créant bientôt au-delà du jeu esthétique, le journal composite et minéral de son temps, le livre des merveilles, celles de Pompéi, d’Herculanum, de Madaba, des mosaïques romaine, vénitienne, florentine ou byzantine.Revenons à Mathilde. Le Bac en poche, l’étudiante transite par l’atelier de dessin de l’Académie Charpentier pour préparer le concours d’entrée à Camondo, la prestigieuse école parisienne d’architecture intérieure et de design. Diplôme en poche, elle décroche son premier emploi de femme indépendante dans une agence d’architecture du XIVème, tenue par l’un de ses anciens professeurs. Et puis un jour, en 1990, Mathilde tombe sur l’article d’un magazine consacré à Pierre Mesguich. Révélation. Elle ambitionne de rallier le maître mosaïste alors sis à Clichy. Contact pour un stage. C’est d’accord. La voilà employée dans une boutique que Mesguich vient d’ouvrir rue de l’Université dans le VIème. Outre l’accueil des clients, l’apprentie coiffée de jaune auréolin produit des dessins à l’aquarelle pour ce même atelier. Pas touche à la mosaïque pour l’instant. Il est long le chemin...

Le temps passant, le métier entrant, l’expérience aidant, Mathilde décroche ses propres chantiers et ouvre son atelier « sur rue avec un film opaque en guise de devanture ». « J’y suis bien », constate sobrement la mosaïste. Elle conserve dans cet antre modeste, éparpillés sur les murs, des échantillons de ses travaux successifs. « Á mes débuts », sourit Mathilde, « je gardais tout, jusqu’au moindre fragment de découpe. Je trouvais ça beau. Et puis la mosaïque, c’est un peu l’art de la récup’, non ?. » Nous connaissions le poinçonneur des Lilas. Mathilde, c’est l’atomiseuse de Marcadet. La vue d’une tablette de chocolat entière doit l’insupporter. Il faut qu’elle casse, qu’elle émiette, qu’elle coupe le jeu pour mieux redistribuer les cartes. D’étranges mâchoires - pinces japonaises et zig-zag -, débitent les tesselles. « Il m’arrive de me couper. J’ai une grosse boîtes de pansements. »

Mathilde emploie la méthode dite indirecte consistant à coller les tesselles à l’envers sur un support, papier kraft ou voile de polyester, puis à fixer la composition sur la surface définitive en ôtant le fond provisoire. La mosaïste tient à ce que ses clients participent étroitement à la définition du projet. Quel dessin, quels tons et matières, quelle surface, à quel prix ? Visualisent-ils bien l’intégration du décor ? La créatrice propose systématiquement des aquarelles et des échantillons. Le chantier est ouvert. Sols, panneaux de salles de bains ou crédences de cuisine prennent bientôt une tout autre dimension. Celle de la pièce unique que l’on carresse du regard, où vibre l’empreinte de la main. Car ici, c’est le règne du sur-mesure, sans automatisme ni grille informatique de pixellisation. Le fruit d’un long labeur. « Entre la découpe et la pose, j’ai besoin d’une journée pour réaliser un mètre carré de mosaïque », précise Mathilde. Et d’ajouter avec la passion qui l’anime : « Le plaisir reste entier. C’est magique ! Je garde le souvenir de chaque composition. »

Comme est inscrite en elle sa ville natale, Le Havre, le poème de béton de Niémeyer et Perret. Un héritage revendiqué à travers ce ciment dans lequel elle aime désormais de plus en plus amalgamer ses carreaux de verre. Mathilde s’est en effet mise à réaliser des incrustations de mosaïques, coulées dans un béton de type Ductal®. Un matériau fibré extrêmement résistant, coloré dans la masse à l’aide de pigments naturels subtils et chaleureux. L’aspect satiné, la profondeur du support, porte magnifiquement les incrustations de pâtes de verre lumineuses et merveilleusement nuancées. Mathilde Jonquière sème ainsi des platebandes de fleurs minérales, compose des petits mondes d’étoiles, fait danser les intérieurs. À l’heure des standards industriels et du prêt à poser, elle construit avec soin des décors singuliers.

Les tarifs s’établissent au m². Ils s’échelonnent de 500 à 1.100 € maximum le m² selon le projet, hors pose et hors taxe (5,5%). La mosaïste peut recevoir dans son atelier de la rue Marcadet ou se déplacer sur rendez-vous.

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

06.72.82.05.77.
jeudi 16 juin 2011,    Pierre Pinelli