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Paul Friesé et l’architecture industrielle dans Paris


L’ architecte Paul-Emile Friesé (1851-1917) peut se prévaloir d’être l’auteur de nombreux bâtiments à caractère industriel dans Paris. Par sa créativité et son usage savant des techniques de fabrication, cet homme a véritablement donné ses lettres de noblesse à l’architecture industrielle jusqu’alors peu mise à l’honneur. Tour d’horizon de son oeuvre parisienne.

Originaire de Strasbourg, Paul-Emile Friesé étudie à l’école nationale des Beaux-Arts de Paris, après avoir choisi la nationalité française à la suite de la défaite française de 1871. D’abord sous-inspecteur des bâtiments civils au Louvre et aux Tuileries, puis sous-inspecteur des travaux de la Chambre des députés, il prend en 1883 les fonctions d’inspecteur de travaux de l’Ecole centrale des arts et manufactures auprès de l’architecte Jules Denfer. Son premier ouvrage personnel sera une villa à Enghien pour Auguste Rosenstiehl (son futur beau-père).

En 1885, il s’associe avec l’architecte Denfer. C’est le début d’une collaboration fructueuse où Friesé va pouvoir mettre son talent au service de l’architecture industrielle, notamment dans la production électrique. En 1889, il a la chance de travailler sur l’opération complexe de la tour des silos des Grands moulins de Corbeil. Mais c’est sa rencontre avec l’industriel Auguste Lalance qui est décisive et lui ouvre les portes du monde industriel.

A la fin du XIXe siècle, l’essor de l’électricité commence à nécessiter l’implantation de stations électriques dans Paris. Ainsi, en 1889, il réalise l’une des premières centrales électriques "architecturées", celle du secteur place de Clichy, située au 53 rue des Dames (photo 1). La façade est encore d’inspiration classique avec son grand fronton de brique (où est sculpté "Anno 1890") mais l’usage du fer et de la brique, ainsi que les grandes baies, lui confèrent une belle modernité. On remarquera dans les cartouches qui encadrent le fronton des symboles de l’électricité.

Mais l’un de ses bâtiments industriels les plus réussis reste l’usine électrique de la Compagnie parisienne d’air comprimé au 132 quai de Jemmapes (10e arrondissement) édifiée entre 1895 et 1898 et classée Monument Historique. Celle-ci est en partie occupée aujourd’hui par la société Clairefontaine-Exacompta (photo 2). Le grand bâtiment dont on aperçoit le mur pignon était autrefois surmonté de hautes cheminées et abritait la salle des machines ; le jeu très graphique de ses contreventements métalliques en croix de saint-André sur la brique ocre et rouge est une vraie réussite. Le 2e bâtiment brique et métal qui lui est accolé, donnant sur le quai, offre un puissant jeu de verticales et d’horizontales, tandis que ses tourelles de brique rouge aux angles complètent la façade avec beaucoup d’élégance ; il abritait autrefois les bureaux de l’administration.

Dans les premières années du XXe siècle, Friesé se voit confier de nombreuses sous-stations électriques parisiennes, toutes encore existantes, que vous pouvez facilement admirer de la rue :
- la sous-station Opéra, 41 rue de Caumartin, Paris 8e (1901).
- la sous-station Temple, 36 rue Jacques Louvel-Tessier, Paris 10e (1908).
- la sous-station Parmentier, 14 avenue Parmentier, Paris 11e (1908).
- la sous-station Sèvres, rue Récamier, Paris 7e (1910), devenue aujourd’hui fort à propos le cadre de la fondation EDF (Espace Electra).
- sous-station Auteuil, 2bis rue Michel-Ange, Paris 16e (1912).

L’une des stations les plus singulières dessinées par Friesé est également la sous-station Bastille, située boulevard Bourdon (photo 3). Son immense verrière métallique en demi-cercle s’harmonise parfaitement avec les petites ouvertures cintrées situées sous la corniche. L’architecte joue aussi du motif et du relief avec la brique qu’il traite avec beaucoup d’élégance.

Malheureusement disparue, l’usine de traction électrique du Métropolitain à Bercy (1899-1904), était un véritable chef d’oeuvre d’architecture industrielle, avec ses hautes et élégantes cheminées (illustration 1 ci-dessous). Cette centrale comprendra 2 bâtiments accolés, l’un abritant les chaudières (18) et l’autre les machines à vapeur et les génératrices électriques. Elle était située sur le quai de la Rapée, entre la gare de Lyon et l’actuel palais omnisports de Bercy. Le bâtiment administratif (sur les quais) était relié à l’usine par une passerelle à hauteur du premier étage. Par son ampleur, cette usine était comparable à la célèbre Battersea Power Station de Londres.

Parallèlement, Friesé est sollicité par des promoteurs privés et signe des opérations d’habitation dans Paris : un immeuble rue de Villehardoin (1895), un autre au 23 boulevard du Montparnasse, deux opérations prestigieuses 92 et 150, avenue des Champs-Élysées, le magasin des Trois-Quartiers rue Duphot (1898 - remplacé par le magasin Madélios dans les années 1930), un hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine (1904), et l’hôtel particulier de la villa Dupont (1907).

Enfin, cet architecte réalisera d’autres types de projets :
- le siège de la Banque suisse et française (1908), au n° 5 de la rue Pillet-Will, avec l’architecte Cassien Bernard (photo 4). Longtemps propriété du Crédit Commercial de France, cet immeuble est maintenant occupé par l’hôtel Banke . Par le luxe de ses façades, il illustre bien le faste des immeubles bancaires de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.
- des programmes à caractère social, comme un dispensaire rue Boursault (Paris 17e) ou le sanatorium de Lutterbach.

Bénéficiant d’une double formation d’architecte et d’ingénieur, Paul Friesé sut à merveille mettre à contribution les techniques de fabrication issues des progrès techniques pour inventer des formes nouvelles, donnant véritablement à l’architecture industrielle ses lettres de noblesse. Engagé volontaire sur le front en 1914, à l’âge de 63 ans, il y meurt en 1917. Son fils Charles Friesé (1901-1970) sera lui aussi un architecte renommé, notamment à Nantes.

Les autres oeuvres majeures de Paul Friesé hors de Paris :
- les Grands Moulins de Corbeil-Essonne.
- entrepôts des sucres et des laines à Dunkerque.
- sanatorium pour enfants à Lutterbach-Pfastatt.
- usine Schneider à Champagne-sur-Seine (1901).
- papeterie Darblay (Essonne).

Franck Beaumont

Sources : Cité de l’Architecture - Guide du Patrimoine Paris - Guides du Promeneur Paris

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

53 rue des Dames

mercredi 27 juillet 2011,    Franck Beaumont