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l’hôtel d’Augny... devenu la Mairie du 9e arrondissement


L’hôtel d’Augny est une des plus anciennes demeures du 9e arrondissement et nous replonge dans le milieu du XVIIIe siècle, à l’époque où ce quartier est encore à la lisière de la ville, et parsemé de maisons de campagne abritant souvent des amours cachées...

L’urbanisation du 9e arrondissement date en grande partie de la première moitié du XIXe siècle, à l’exception du faubourg Poissonnière (loti dès le règne de Louis XV), du quartier de la Grange Batelière (sous Louis XV également), et de la Chaussée d’Antin (lotie à partir des années 1770).

Partout ailleurs dans ce faubourg de Paris, il faut imaginer un paysage arboré, des vergers, quelques tavernes, et les pentes qui montent vers le village de Montmartre. L’ambiance y est plutôt festive, la tranquillité et la discrétion y règnent. C’est ici que de nombreux aristocrates ou riches bourgeois se font construire, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, de charmantes maisons de campagne appelées "folies" pour abriter leurs amours secrets avec des artistes, souvent comédiennes et fort jolies, pour la plupart célèbres et très convoitées. (nous consacrerons bientôt un article à ces "folies" qui ont autrefois marqué le paysage de l’actuel 9e arrondissement, pour la plupart disparues).

L’hôtel d’Augny est une de ces jolies demeures classiques de l’Ancien Régime ; elle fut construite au coeur du quartier de la Grange Batelière. Au début du XVIIIe siècle, c’est encore un immense jardin acquis en 1707 par le financier Pierre Crozat qui possédait un hôtel non loin, rue de Richelieu.

Entre 1746 et 1748, un riche fermier-général, Alexandre d’Augny confie à un architecte et théoricien de l’architecture, Charles-Etienne Briseux, la construction d’un petit hôtel particulier entre cour et jardin, configuration typiquement parisienne.

L’hôtel de Briseux se présente alors comme un sobre corps de logis, à la transition des styles Rocaille (Louis XV) et néo-classique (commençant sous Louis XVI) : sur la cour, il s’organise autour d"un élégant avant-corps à trois pans, surmonté d’un fronton curviligne ; sur le jardin, autour d’un avant-corps arrondi. Un dôme surmonte le pavillon central. Autrefois, on pouvait admirer dans les salons des toiles peintes de François Boucher ou Louis-Joseph Le Lorrain. Aux extrémités du logis avaient été placés des pavillons (supprimés ultérieurement), tandis que l’accès à l’hôtel se faisait (et se fait toujours) par un imposant portail à bossages, surmonté d’un fronton triangulaire et encadré de murs concaves, au n°6 de la rue Drouot.

En 1753, Alexandre d’Augny rencontre une comédienne de la Comédie Française, Melle de Beauménard, surnommée "Melle Gogo", dont il tombe follement amoureux. Il décide d’installer dans son tout nouvel hôtel cette actrice jugée d’ailleurs "mauvaise et très mauvaise actrice" (Journal de Collé, 1750). Peu scrupuleuse, celle-ci collectionne les liaisons et sera vite congédiée par d’Augny qui finira par épouser une autre comédienne, Melle Liacourt, comédienne à l’Opéra.

Alexandre d’Augny échappa par miracle à la guillotine. Médiocre financier et peu assidu au travail selon l’historien Philippe Seydoux, il collectionnait surtout les maîtresses et les pierres précieuses, et se fit construire l’imposant château de Fontaine-la-Soret dans l’Eure. Fort impopulaire pendant la Révolution de par sa charge de fermier-général (consistant à collecter des impôts comme la taille ou la gabelle), il fut un des seuls fermiers-généraux à ne pas être guillotiné sous la Terreur. Par chance pour lui, il resta enfermé dans son hôtel et ne fut pas inquiété.

D’Augny mort en 1798, l’hôtel abrita après Thermidor le célèbre "bal des victimes", réservé aux familles des guillotinés : on y portait un ruban écarlate autour du cou et l’on portait les cheveux rasés sur la nuque, là où tombait le couperet ! Sous l’Empire s’y installe le "Bal ou Club des Etrangers", où l’on vient masqué et pour cause : on y venait surtout pour ses tables de jeux, jouer au "trente-et-un", à la "bouillote". Napoléon finit d’ailleurs par interdire ces jeux masqués, qui avaient ruiné de grandes fortunes.

En 1806, la maison Robillard & Cie, l’une des plus importantes manufactures de tabac, s’y installe et deux ateliers de fabrication sont construits au fond du jardin. En 1813, Jean Joseph Bernard, fermier général des jeux de Paris, acquiert l’hôtel et le "Cercle des Etrangers" accueille à nouveau des jeux, qui seront interdits par le roi Louis-Philippe en 1836. En 1829, l’hôtel d’Augny est acquis par Alexandre Aguado, marquis de Las Marismas del Guadalquivir. Ce curieux personnage avait été aide de camp du maréchal Soult dans l’armée d’Espagne, puis devint banquier du roi d’Espagne, assurant ainsi sa fortune. Grand collectionneur de peinture espagnol, c’est lui qui fit redécorer les intérieurs que l’on peut admirer encore aujourd’hui : le grand escalier, le vestibule octogonal, le salon de musique à l’étage (devenu salle des mariages).

Après le décès d’Aguado, la "compagnie d’assurances générales sur la vie des hommes" acquit la propriété. Notons que c’est à cette époque que fut construit le passage Jouffroy (qui va remporter un franc succès) sur le fond du jardin de l’hôtel d’Augny : encore aujourd’hui, une porte communique entre le passage et le jardin de la mairie.

En 1848, la ville de Paris achète l’hôtel et la mairie du 9e arrondissement s’y installe en 1860. C’est l’architecte Alfred-Philibert Aldrophe (constructeur, entre autres, de l’hôtel Thiers et de l’imposante synagogue de la rue de la Victoire), qui ajoute les deux ailes sur cour qui encadrent le logis construit par Briseux.

Abritant la mairie du 9e et ses services, l’hôtel d’Augny est (en partie) accessible au public aux heures d’ouvertures.

Franck Beaumont

Sources : Mairie du 9e arrondissement, Guide du Promeneur 9e.

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

6 rue Drouot

lundi 12 décembre 2011,    Franck Beaumont