DERNIERS JOURS, aux Arts déco, de l’expo Ricard, ou faire de la com depuis 1932 pour de l’alcool…

Jusqu’au 26 août 2012.

Affiche, 1980, Photo Pierre Normann Granier

Depuis 1915 et l’interdiction de l’absinthe, la consommation d’alcool et la publicité qui l’encourage sont soumises à une législation que l’on a présentée comme stricte…

En respectant sensiblement ces contraintes, comment la société Ricard a-t-elle géré sa communication de 1932 à aujourd’hui ?

Paul Ricard donne son nom au produit et à l’entreprise qu’il crée. Forte personnalité, il dessine lui-même l’étiquette de son élixir en 1932, qu’il fera évoluer par la suite, et il pilote personnellement les nombreuses manifestations publicitaires qui installeront la marque Ricard dans notre mémoire collective.

Le code identitaire imposé sera l’association du bleu et du jaune, en évocations joyeuses du ciel azuréen et du soleil de Marseille.

Avec le publicitaire Yves Alexandre, il mettra sur pied la première campagne de la marque, dont le slogan « Garçon un Ricard ! » s’imposera dans le Sud par de très nombreuses affiches et annonces.

Plus tard, en 1984, Paul Ricard choisira de confier le budget à l’agence Young et Rubicam qui concevra une campagne restée dans les annales comme l’une des plus fameuses de toute l’histoire de la publicité. Destinée à revaloriser l’image même du produit, la campagne « Un Ricard sinon rien » fut efficace et appliquée plusieurs années durant… jusqu’aux restrictions plus sévères de la loi Evin en 1991.

Précédemment, comme la loi du 6 janvier 1951 interdisait la publicité des spiritueux anisés par affichage et voie de presse, la société Ricard avait recherché d’autres ressources ou supports de communication. Un studio de création intégré avait alors été créé, avec bureau d’études comprenant architectes, décorateurs, graphistes, charges à eux de réaliser des animations, des maquettes d’affiches pour les lieux de vente, des dépliants, des brochures, etc.

Ricard SA développe également une communication par l’objet. Un atelier de céramique conçoit et produit d’innombrables objets, aux couleurs et logo de la marque, bien entendu. Et ces objets inonderont cafés, bars et restaurants populaires de la France entière. Le plus emblématique de tous est resté le broc à eau, dessiné par Paul Ricard en 1935, spécialement adapté pour retenir les glaçons ! Vous y auriez pensé vous ? Grâce aux suggestions de l’agence Kreo, il avait bénéficié des talents de designers fameux, dont Marc Newson, puis les frères Bouroullec, qui surent faire évoluer sa forme comme sa ligne.

Ces objets courants et très connotés, on ne dit pas « commarqués », les carafes, verres, cendriers, pendules, jeux de cartes, pistes de dés et jetons, bien au-delà de leurs usages respectifs, seront collectionnés par quelques-uns avec passion. Nous pourrions presque dire qu’ils sont entrés par effraction dans notre patrimoine commun. Et c’est de cette manière insidieuse et très efficace que l’objet s’impose dans notre quotidien et instille en nous la trace puis la pérennité de la marque, dans nos esprits, dans notre sphère privée.

La société Ricard est certainement de celles qui développèrent le plus largement une communication hors média. Elle renforça son omniprésence en s’associant aux grandes manifestations sportives, festives et culturelles.

Ainsi la marque était liée à la caravane du Tour de France avec la « Caravelle Ricard » qui distribuait en nombre des chapeaux et devenait le soir scène de music hall où passait Tino Rossi ou Annie Cordy.

Guirlande de fanions, 1977, Archives Ricard, Photo Pierre Normann Granier

Par la suite, des chanteurs, de Darcelys à Johnny Hallyday, accompagneront la marque dans de nombreuses manifestations. En 1988 sera créé le Ricard SA Live Music Tour qui apportera son soutien à de jeunes artistes et offrira dans les grandes villes de France des concerts gratuits.

Autre spectaculaire réussite dans le sport : le circuit automobile Paul Ricard au Castellet, inauguré le 19 avril 1970. Il deviendra un des lieux de référence mondiale des sports mécaniques, assurant au nom de Paul Ricard une couverture médiatique internationale.

La voile fut également pour la marque une réussite, Ricard bénéficiant, en tant que sponsor du trimaran d’Eric Tabarly, du record de la traversée de l’Atlantique que celui-ci bat en 1980.

Paul Ricard sera tout autant inspiré par le cinéma qui se révélera pour la marque un vecteur idéal de communication. En 1949, il fonde Protis Film, monte ses propres studios, et produit des films en couleurs. Chaque sortie de film s’accompagne de réceptions, de conférences de presse diffusant le nom de Ricard. Les studios accueillent les stars en visite, comme en 1954 Joséphine Baker, Eddie Constantine et Line Renaud.

Visionnaire, il associe son nom à la protection de l’environnement, suite au scandale des « boues rouges » déversées dans la Méditerranée et crée en 1966 l’Observatoire de la Mer, devenu en 1991 l’Institut océanographique Paul Ricard. Celui-ci poursuit aujourd’hui ses recherches et ses actions en faveur de la protection de la mer et de la sensibilisation du grand public.

Le tourisme et les loisirs sont aussi des axes majeurs de communication. L’idée est de suivre les Français dans leurs loisirs, en proposant des visites du Domaine de Méjanes en Camargue ou des séjours sur l’île des Embiez et celle de Bendor sur laquelle est créée en 1967 la Fondation culturelle Paul Ricard. Là encore, Paul Ricard innove en s’engageant dans le mécénat. Aujourd’hui, à travers la fondation d’entreprise Ricard, la Société Ricard soutient les jeunes créateurs dans tous les domaines de l’art contemporain et propose une programmation exigeante.

Mais au sein de toutes ces campagnes et animations, la bouteille reste aussi emblématique que le nom. Reconnaissable immédiatement, elle fait l’objet, depuis 1993 d’éditions limitées. En jouant sur la rareté via le packaging, la marque cherche à conforter son prestige. Régulièrement la bouteille se pare d’un décor nouveau réalisé par des créateurs célèbres : les peintres Javier Mariscal, Hervé di Rosa, François Boirond, les stylistes Sonia Rykiel, Stella Cadente, des designers Matali Crasset, Hilton Mc Connico, Christophe Pillet ou des jeunes artistes de la scène française lauréats du Prix de la Fondation d’entreprise Ricard tels que Ida Tursic et Wilfried Mille. La bouteille a été nouvellement redessinée par l’agence londonienne Coley Porter Bell, et mise en scène dans les dernières campagnes de l’agence de publicité BETC.

La force des images liées à la marque Ricard est telle qu’elle fut même source d’inspiration pour des artistes.

L’une des compressions dirigées de César les plus connues de 1962 fut celle d’une voiture Ricard.

Les bobs de la marque ont inspiré Saâdane Afif pour sa sculpture « Prodigue » en 2000.

Enfin des tableaux de Gérard Schlosser intégrèrent le fameux cendrier Ricard, matérialisant ainsi… l’idée d’un lieu.

Affiche, 1980, Photo Pierre Normann Granier

N’avons-nous pas là les puissantes traces du formidable pouvoir d’évocation de la marque ?

Musée des Arts décoratifs. Du 29 mars 2012 au 26 août 2012. Du mardi au dimanche de 11 à 18h, dernier billet vendu à 17h30 ; le jeudi nocturne jusqu’à 21h (uniquement pour les expositions temporaires), dernier billet vendu à 20h30, fermés le lundi.

Vous retrouverez dans l’article « 2012 à Paris : les grandes expositions de A à Z » les différentes expositions 2012 déjà annoncées par leurs établissements et musées, et dans l’article « Calendrier 2012 des grandes expositions à Paris », ces mêmes expositions classées par dates.

David méditant devant la tête de Goliath, d’Orazio Gentileschi, huile sur lapis-lazuli, exposition Artemisia

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André Balbo

sources : musée des Arts déco, Ricard