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Archives : l’Art en guerre, de Picasso à Dubuffet, au MAMVP. Derniers jours !


Et que faisiez-vous sous l’Occupation ? Les périodes de guerre n’ont jamais vraiment ménagé ni l’art ni les artistes.

Détail. Marc Chagall Résistance et les autres, 1937-1948 Huile sur toile de lin Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris © RMN / Gérard Blot © ADAGP, Paris 2012

Lors de la Première Guerre mondiale déjà, l’idéologie qui dominait en France les avait salement assaisonnés avec le courant du Retour à l’ordre qui vomissait alors les grands symboles de la modernité qu’étaient cubisme, ballets russes et la mode de Paul Poiret. Picasso lui-même se réfugiait dans des tableaux qui rappelaient Ingres, Serge de Diaghilev s’établissait à Rome avec sa troupe, et Cocteau seul surnageait, parvenant à mener à bien ses projets, et complétant carnet d’adresses et amitiés.

La Seconde allait diriger ses foudres sur eux avec une violence redoublée imputable au nazisme et au fascisme. L’originalité de l’exposition « L’Art en guerre (France 1938-1947) De Picasso à Dubuffet » consiste à étudier, en s’appuyant sur 400 œuvres de plus de cent artistes, le champ artistique sur le territoire français, Alsace comprise, et à apporter un éclairage cru sur cette sombre période (excusez-moi) que traversa notre pays et les artistes qui s’y trouvaient.

Elle s’attache à révéler aussi le travail caché dont on ne parle que rarement, souterrain, des actes artistiques qui n’étaient apparemment pas, sous l’Occupation, des actes de résistance. Elle pose aussi la question ambitieuse de tenter de savoir de quelles manières l’art répond aux graves pénuries de liberté, physique, intellectuelle et morale.

Quand, sur notre territoire, il y avait quelque 200 camps d’internement, dont ceux des Milles, de Gurs, de Saint-Cyprien ou de Beaune-la-Rolande, et plus de 600 000 prisonniers, que se passait-il dans les cuisines, dans l’intimité des créateurs, hors des regards de tous ?

Le livre d’histoire de Laurence Bertrand Dorléac, L’Art de la défaite (1998), premier sur le sujet, en dévoilait beaucoup.

Comment se fait-il que Picasso, écarté des mondanités de la vie artistique, resté reclus dans son atelier de la rue des Grands-Augustins où il avait peint Guernica, et alors qu’il ne faisait « que » créer, fut par la suite reconnu comme un grand résistant ? Peut-on prendre parti et faire la guerre à sa façon par son œuvre ? De Vlaminck l’accusa en 1942 dans la revue Comœdia d’avoir entraîné la peinture française « dans la plus mortelle impasse ».

Pablo Picasso L’Aubade, 1942 Huile sur toile Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN / Christian Bahier / Philippe Migeat © Succession Picasso 2012

Et Picasso répondait à sa manière en redoublant d’énergie et en enchaînant chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre… sa sculpture de l’Homme au mouton, ses tableaux Nu (1941), ou l’Aubade (1942).

Belles et fortes photos de Brassaï de l’îlot de résistance qu’était l’atelier des Grands-Augustins, avec ce poêle gigantesque, tel un palmier, et des visiteurs quelquefois comme Sartre ou Cocteau.

Pablo Picasso Nature morte à la chouette et aux oursins, 1946 Peinture déorésineuse sur bois (hêtre) Musée Picasso, Antibes © ImageArt, Antibes, Photo Claude Germain © Succession Picasso 2012

Ceux qui furent internés, comme Max Ernst, au camp des Milles, près d’Aix-en-Provence, et dont on verra la terrible Fuite (Isawa Grand Duchess who lost her shoe, 1940). Aidé par le journaliste américain Varian Fry, il put quitter la France avec Peggy Guggenheim, qu’il épousa en 1942.

Il rejoignait ainsi certains des autres exilés de New York, les Breton, Duchamp, Léger, Masson et Mondrian.

Quel était en revanche l’art montré, l’art officiel ? Dont Lapicque, Fougeron, Pignon ou le sculpteur Charvin, qu’on appelait alors « les artistes de tradition française ». D’autres même qui se fourvoyèrent jusqu’à faire le voyage humiliant et propagandiste à Berlin en 1941, comme Derain, Vlaminck, Dunoyer de Ségonzac, Despiau ou Paul Belmondo ?

Le musée national d’art moderne ouvrira au Palais de Tokyo en 42, dirigé par Pierre Ladoué et Bernard Dorival, alors que Jean Cassou est évincé. La mission de ce nouveau musée sera de mettre en valeur 50 ans de création nationale, bien entendu expurgée des Picasso et autres artistes étrangers, surréalistes et abstraits. Se consacrer avant tout à un art de consensus strictement français.

Autour de Maillol et de son Ile-de-France (1935), on verra l’Athlète (1937) de Belmondo, la Femme accroupie (1925-1931) de Léon-Ernest Drivier, et les grands maîtres de l’art indépendant, comme Georges Braque, Pierre Bonnard, Delaunay, Derain, Marie Laurencin, Gromaire, van Dongen ou Marquet y seront d’ailleurs instrumentalisés.

Et quels étaient les artistes qui s’étaient efforcés de se tenir à l’écart, ceux qui s’étaient retirés loin, croyaient-ils, du tumulte de la guerre et de ses idéologies difformes, vers Dieulefit (dont la population doubla de l’afflux des réfugiés et n’aurait dénoncé personne), Sanary, Grasse, Cannes ou Collioure ? Les Matisse à Nice, Pierre Bonnard (Nu dans le bain, 1936-1938), au Cannet, Rouault et Braque, à Montsouris.

Évoquons ici à nouveau Varian Fry, du Centre américain de secours, qui facilita l’émigration de quelque 2 000 personnes, beaucoup d’artistes, à partir de Marseille.

Max Ernst. La Fuite.

Formidable délicatesse de sa lettre à Otto Freundlich, exposée en vitrine, à qui il n’est en mesure de ne proposer que 500F pour un tableau ! Ce dernier devait mourir en 1943 à Majdanek.

Et pendant cette grande confusion meurtrière, quand passaient ces caravanes de fuyards, dans le secret de sa cuisine, à Mulhouse, Joseph Steib travaillait inlassablement à ce qui deviendra son Salon des rêves, des tableaux montrant très clairement, et de façon naïve, les vilains nazis, et… comme il fera beau quand tout cela sera entré à nouveau dans l’ordre et aura recouvré son harmonie initiale.

Mentionnons encore la galeriste Jeanne Bucher, Alsacienne, qui fit connaître Kandinsky, et Nicolas de Staël, protégeait des artistes et commettait personnellement des actes de résistance.

Évidemment le commentaire critique est toujours critiquable. J’aurais aimé qu’il ait été aussi question, même de façon marginale, de la spoliation des grandes collections d’art appartenant à des juifs. Peut-être un point rapide et historique sur le comportement de certains grands marchands. Cela aurait pu entrainer un peu trop loin et envenimer peut-être parfois le présent.

Je dois reconnaître pour conclure que la fin de l’exposition m’a beaucoup moins intéressé. Mais il est vrai qu’il est si difficile de choisir des œuvres dans la profusion et l’exubérance des années qui suivirent la Libération. Quel sens cela peut-il avoir ? Qu’aurions-nous pu comprendre de plus et devait-on étendre la période retenue ? Je ne crois pas.

Juste une très agréable surprise, vers la fin de l’exposition, avec, à côté de deux tableaux de Jean-Paul Riopelle, un de Fernand Leduc, prêté par l’artiste, qui a fêté cet été ses 96 ans. J’avais exposé ses œuvres, il y a bien longtemps, avec celles de sa fille Isabelle Leduc. Une première, et c’était émouvant. Petit souvenir en passant, et la confirmation, comme le dit Isabelle, que l’art garde jeune, dautant que l’an dernier, dans une grande exposition qui lui était consacrée à Montréal, il présentait une dizaine d’œuvres... de 2011.

Les commissaires de l’exposition sont Laurence Bertrand Dorléac et Jacqueline Munck, conservatrice du musée.

L’Art en guerre (France 1938-1947) De Picasso à Dubuffet. Au MAM de la Ville de Paris du 12 octobre 2012 au 17 février 2013. 11 avenue du Président Wilson 75116 Paris, 11€, du mardi au dimanche de 10 à 18h (fermeture des caisses à 17h15, fermeture des salles à 17h45).
Nocturne : le jeudi jusqu’à 22h pour les expositions temporaires (fermeture des caisses à 21h15, fermeture des salles à 21h45). Métro Alma-Marceau ou Iéna (9). RER Pont de l’Alma (C).

Vous retrouverez dans les articles « 2012 à Paris : les grandes expositions de A à Z » et 2013 à Paris : les grandes expositions de A à Z » les différentes expositions 2012 et celles de 2013 déjà annoncées par leurs établissements et musées.

Frederic Leighton (1830–1896) Crenaia, the nymph of the dargle, ca. 1880 Huile sur toile 76.2x26.7 cm Colección Pérez Simón, Mexico © Arturo Piera, Musée Jacquemart-André 09/13-01/14

Dans les articles « Calendrier 2012 des grandes expositions à Paris », et « Calendrier 2013 des grandes expositions à Paris », ces mêmes expositions sont classées par dates.

Nous nous efforçons de tenir ces articles à jour, et nous vous remercions des suggestions, précisions, ajouts et corrections que vous pourriez apporter à ces programmes.

Nous vous indiquons chaque semaine les nouveautés, les expositions qui fermeront bientôt leurs portes, et... nos préférences, car on ne se refait pas : "LA SEMAINE des expositions, musées, et galeries : que faire à Paris du...".

Nous tenterons aussi de vous les présenter chaque mois , à partir de Février 2013.

Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous avons établi notre sélection, pour Paris, des MEILLEURS CATALOGUES des expositions 2012, en vous indiquant en plus les nominés, et les primés au Prix CatalPa 2012 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Nous procéderons de la même manière en 2013, avec PARIS 2013 : les meilleurs catalogues d’expositions de Paris.

André Balbo

sources : visite, MAM de la Ville de Paris

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

11 Avenue du Président Wilson Paris 16e

- Du 12 octobre 2012 au 17 février 2013

- Du mardi au dimanche de 10 à 18h (22h le jeudi)

01 53 67 40 00
mardi 23 octobre 2018,    Expositions