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Fin de la défiscalisation des heures supplémentaires : la CFDT vous répond !

La suppression de l’exonération des heures supplémentaires est la mesure du gouvernement Ayrault sur laquelle repose les plus grands espoirs d’économie. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a confirmé la mise en place de cette mesure. Vous nous avez posé des questions sur le sujet. Nous passons la parole à une experte : la syndicaliste Laurence Laigo.


Laurence Laigo, secrétaire nationale CFDT responsable de la politique des garanties collectives en matière de salaire

DERNIÈRE MINUTE : Mercredi 18 juillet, au soir, l’Assemblée nationale a voté la fin de l’exonération des heures supplémentaires de l’impôt sur le revenu à compter du 1er août 2012, et la fin des exonérations de cotisations sociales (salariales et patronales) sur ces mêmes heures à partir du 1er septembre de la même année. Seule exception : les exonérations sociales patronales dans les entreprises de moins de 20 salariés sont maintenues.

(INTERVIEW publiée le 12 juillet 2012) Evous : L’épineuse question des heures supplémentaires a-t-elle été abordée lors de la conférence sociale, en début de semaine ?

Laurence Laigo, secrétaire nationale CFDT responsable de la politique des garanties collectives en matière de salaire : Non, très peu d’échanges. J’ai participé à un atelier sur les rémunérations et les politiques salariales. Il a bien été dit que cela serait modifié mais nous ne sommes pas entrés dans le détail et nous n’avons donc pas les conclusions du gouvernement sur les choix qui seront les siens. Nous, nous avons redit que nous étions en faveur d’une évolution de ce système, notamment pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Plusieurs internautes : A partir de quand les heures supplémentaires vont être imposables ? Et quand seront payées les cotisations par les salariés et employeurs ?

L. Laigo : Je pense que cela va faire partie de la loi des finances qui va être présentée au mois de septembre, avec une entrée en vigueur éventuellement légèrement décalée.

POUVOIR D’ACHAT

Anonyme : Pour les salariés dont l’entreprise était à moins de 20 salariés au 1er janvier 2000, donc pas obligée de passer à 35 h, qui continuent à travailler à 39 h, que se passe-t-il pour les heures de 36 à 39 qu’ils sont obligés d’effectuer car c’est l’horaire collectif de travail ?

L. Laigo : Les heures supplémentaires existaient avant la loi Tepa (ndlr : votée en 2007), elles existeront après. La loi Tepa, c’était juste une fiscalité favorisant les gens qui faisaient des heures supplémentaires. Il y aura toujours des heures supplémentaires et elles seront toujours majorées ! En revanche, nous reviendrons à la situation d’avant la loi Tepa, c’est-à-dire qu’elles seront fiscalisées, rentrant à nouveau dans le revenu net imposable que vous déclarez au Trésor public. Ce sera toujours intéressant de faire des heures supplémentaires, grâce à la majoration (ndlr : de 25%), mais moins pour l’impôt sur le revenu… En ce qui concerne les gens qui paient des impôts !

Evous : Les salariés aux 39h vont-ils perdre en salaire ? Puisqu’il était question de conserver l’exonération de cotisations employeurs dans les TPE, mais pas les cotisations sociales qui pèsent sur le salaire des employés.

L. Laigo : Moi j’ai compris que cette question n’était pas encore tranchée ! Si le gouvernement prend cette direction, en effet, il y aura une différence pour ceux qui font des heures supplémentaires. Encore une fois, la majoration de 25% sera conservée. Elles resteront avantageuses mais légèrement moins avantageuses qu’avec la loi Tepa.

Il faut cependant signaler que ces exonérations fiscales et de cotisations sociales pour les heures supplémentaires, cela coûte cher à l’Etat : entre 4 et 5 milliards d’euros. Or, il faut se rendre compte que ce ne sont pas les salariés qui choisissent de faire des heures supplémentaires ou non. C’est l’activité de l’entreprise qui détermine s’il est nécessaire ou non de faire des heures supplémentaires.

JoAgnès : Ne craignez-vous pas une baisse du pouvoir d’achat ?

L. Laigo : Il faut que l’activité soit telle qu’il y ait besoin d’heures supplémentaires. Il y aura toujours une majoration importante, donc une reconnaissance en matière de pouvoir d’achat. Ce sera légèrement inférieur mais il s’agit d’un dispositif qui coûte extrêmement cher à la société… et au budget de la protection sociale ! Nous avons par ailleurs constaté certaines dérives. Beaucoup d’entreprises, au lieu d’augmenter leurs salariés, déclaraient de fausses heures supplémentaires. Bonifier les rémunérations des salariés de cette façon était avantageux pour l’employeur et pour le salarié, qui avaient droit à des aides. On voyait ainsi des propositions malhonnêtes dans certaines entreprises.

Domingues : Le patron nous donnera-t-il le choix entre repasser au 35 h par mois ou faire toujours 39 h par semaine, en ayant des RTT ?

L. Laigo : C’est un peu compliqué puisque je ne sais pas quel est l’accord ou la convention collective qui régit le travail dans cette entreprise. Pour les heures supplémentaires, soit il y a récupération par la RTT, soit c’est payé en heures supplémentaires, soit c’est un accord de modulation où le temps de travail est échelonné sur l’année. Le système peut donc être modifié sauf s’il y a un accord collectif sur le temps de travail.

LES ENSEIGNANTS

Mila : Je suis enseignante et je fais des heures supplémentaires car nous manquons de collègues. J’ai également remplacé une collègue partie à la retraite et non remplacée. Si le gouvernement refiscalise les heures supplémentaires, les enseignants et moi-même en ferons beaucoup moins. Et nous refuserons de remplacer les collègues. Avez-vous une solution ?

L. Laigo : Il y a un problème dans l’éducation nationale. Des postes d’enseignants ont été supprimés mais on a conservé le même fonctionnement. Le palliatif a été la possibilité de faire des heures supplémentaires. Après, refuser de remplacer les collègues faute d’avantages fiscaux, cette décision appartient à la personne. Pour ma part, je pense que selon la situation familiale, l’impact de la fiscalisation sera différent. Cela peut être encore intéressant d’en faire…

Isa : N’y a-t-il pas d’autres moyens de faire des économies ?

L. Laigo : Oui. Mais parmi les différentes possibilités, nous pensons qu’il s’agit de la meilleure solution car, comme je vous l’ai expliqué précédemment, la défiscalisation des heures supplémentaires présentait plus d’inconvénients que d’avantages.


Vos questions ! (article du 28 juin 2012)

Le questions-réponses. Cette rubrique est la vôtre : vous posez des questions sur un thème d’actualité et nous trouvons un expert pour répondre à un maximum d’interrogations. Concernant les heures sup’, nous les transmettrons à un syndicat patronal ou de salariés, selon la nature des problèmes posés. Pour poser une question, cliquez ici. Rendez-vous jeudi 12 juillet pour les réponses !

Heures sup’, la situation actuelle. L’exonération fiscale décidée par le précédent gouvernement en 2007 profite aux salariés et aux employeurs. Du côté salarié : la rémunération des heures supplémentaires est exonérée d’impôt sur le revenu et les salaires sont allégés de cotisations salariales sur ces mêmes heures supplémentaires. Du côté patron : l’employeur bénéficie d’une réduction des cotisations patronales de sécurité sociale.

La réforme à venir. Lors de la campagne présidentielle, vous avez été nombreux à poser des questions sur le sujet. Le président de la République François Hollande s’est en effet avancé sur le principe global : la fin de l’exonération de charges et d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires. La conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012 devait marquer le début des négociations avec les différents syndicats. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a finalement d’ores et déjà confirmé cette mesure lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, mardi 3 juillet. Il a ainsi confirmé la suppression de "l’exonération des heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 20 salariés". Les contours de la mesure sont précisés dans le projet de loi des finances rectificative pour 2012. La mesure concerne les cotisations sociales salariales dès le 1er septembre 2012 dans toutes les entreprises. La fin de cet avantage implique ainsi tous les salariés. Côté employeur, les cotisations patronales ne seront plus déduites dès le 1er septembre. Seule exception : les TPE (entreprises de moins de 20 salariés) qui profitent toujours de la déduction des cotisations employeur. Pour rappel : l’État espère réaliser 4 milliards d’euros d’économie en 2012 et 2013 grâce à la fin de cette défiscalisation...

La suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu ne figure pas dans le projet de loi des finances rectificative pour 2012. Elle entrerait cependant en ligne de compte à partir du 1er janvier 2013 pour l’ensemble des salariés ! En vue de cette seconde mesure, le gouvernement étudie actuellement la possibilité d’obliger les entreprises à renchérir l’heure supplémentaire travaillée. En bref : pour compenser la perte de pouvoir d’achat des salariés, les employeurs paieraient plus cher chaque heure supplémentaire.

Informations pratiques
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vendredi 27 janvier 2017,    Benoît