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Théâtre de la Ville : jusqu’où iront les extrémistes catholiques ?

Depuis sa première au Théâtre de la Ville, le jeudi 20 octobre, la nouvelle pièce de théâtre de Roméo Castellucci, intitulée Sur le concept du visage du fils de Dieu, fait les frais d’interventions tour-à-tour agressives et hallucinées de jeunes extrémistes se déclarant de foi catholique.


Après une première représentation fortement perturbée par l’intrusion de jeunes gens appartenant de façon directe ou indirecte à deux groupes extrémistes et nationalistes, l’Institut Civitas et le Renouveau français, où des gaz lacrymogènes et des boules puantes avaient été utilisées, ainsi que des chaînes, pour empêcher les spectateurs de pénétrer dans la salle, les actions des manifestants se sont faites plus mesurées. Le 20 et le 22 octobre, ils ont pénétré sur la scène, brandissant une banderole clamant « la Christianophobie, ça suffit ! », et ont retardé considérablement la représentation. Le 21, deux d’entre eux s’étaient perchés sur une corniche située au-dessus des portes d’entrée, et avaient lancé des œufs et de l’huile de vidange sur les spectateurs.

Depuis, le cordon de CRS mis en place avant chaque représentation se fait plus efficace et parvient peu ou prou à maintenir les manifestants à distance. Ceux-ci distribuent des tracts, prient, scandent, interpellent les spectateurs. Face à l’intransigeante volonté du Théâtre de la Ville, de la Mairie de Paris et de l’équipe artistique de la pièce de poursuivre les représentations à tout prix, quitte à déposer plainte contre toute personne essayant de les perturber, les manifestants n’ont pas vraiment le choix des armes s’ils veulent rester dans la légalité.

Mais le veulent-ils vraiment et jusqu’où ces extrémistes catholiques pourraient-ils aller ? Derrière le discours victimisant attendu, selon lequel tous les médias pratiquent la désinformation, selon qui ce sont les policiers et l’artiste qui ont fait preuve de violence - occultant l’usage de gaz, minimisant la violence faite contre la liberté des spectateurs et celle faite à l’encontre de la liberté d’expression de Roméo Castellucci - et modifiant légèrement l’Histoire en affirmant qu’il n’y avait que la religion catholique dont on puisse « se moquer impunément », Alain Escada, secrétaire général de l’Institut Civitas, ne parvient ni à revendiquer ni à condamner l’action de jeunes gens qui se disent pourtant appartenir à son mouvement.

« Pour l’Honneur du « Christ »

Lors du dernier Festival d’Avignon, cette organisation s’était déjà fait remarquer en s’attaquant à des photographies d’Andres Serrano dans le cadre de la pièce Immersion Piss Christ. Samedi prochain, le 29 octobre, elle a appelé « à une grande manifestation nationale contre la christianophobie » à partir de la place des Pyramides, « pour l’honneur du Christ ».

Le fanatisme affleure. Et l’idiotie aussi, car lorsque les jeunes militants hurlent à la"christianophobie" et empêchent la tenue d’une pièce de théâtre telle que celle présentée par Roméo Castellucci, ils oublient que l’art ne s’impose que chez ceux qui l’acceptent. Ils oublient aussi que la plupart des critiques sont restés dubitatifs devant cette pièce, ainsi que les spectateurs, et que tenter de l’interdire ne fait que jouer le jeu de ses promoteurs. Ils oublient enfin que l’art n’est pas qu’une affaire de goût et la religion une affaire de foi, que les deux se sont interpénétrés depuis la nuit des temps et que c’est très bien comme ça.

Grossièrement parlant, l’art n’est que le reflet de l’état d’âme d’un artiste, la question n’est donc pas de savoir si Roméo Castellucci a eu raison ou tort de faire jeter des grenades sur un portrait du Christ durant sa pièce, mais de chercher à savoir pourquoi. Comme, de son propre aveu, Alain Escada n’est pas allé voir la pièce, il ne saura jamais quelles sont les intentions de l’artiste et si elles vont vraiment à l’encontre de sa foi, et, si c’est le cas, jusqu’à quel point. Dès lors, la réaction face à la pièce n’est guidée que par la peur et l’ignorance, et il s’agit donc bien de fanatisme religieux. S’il s’exprime jusqu’à présent de façon relativement contenue, de terribles évènements récents ont prouvé que le fanatisme n’était jamais sans conséquence. Il serait temps que chacun reprenne raison.

Informations pratiques
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Pour aller plus loin
samedi 15 décembre 2018,    Morgan